Référence n Les Algériens sont encore sortis dans la rue pour réclamer un changement. La contagion après la chute de Ben Ali et de Moubarak s'avère de plus en plus visible. Un effet domino auquel adhère Khelil Moumen, secrétaire général de la Ligue algérienne de la défense des droits de l'homme (Laddh). «La contagion est déjà en marche dans le monde arabe. Bahreïn, le Yémen et maintenant la Libye. Toute la région est traversée par une contestation sociale profonde, une contestation porteuse d'un message clair, fort et urgent : le changement», affirme M. Moumen. Pour ce jeune militant des droits de l'homme, l'Algérie n'échappe pas à cette dynamique régionale, car «le peuple algérien souffre du même manque de liberté et des mêmes difficultés sociales que les autres peuples de la région». Il fait toutefois remarquer que la contagion ne se mesure pas en matière de résultats – soit la chute de Ben Ali en Tunisie ou celle de Moubarak en Egypte –, mais «plutôt en matière de dynamique, d'aspirations et de ressentiments». Les autorités continuent à écarter fortement la possibilité de voir les révoltes d'Egypte et de Tunisie s'importer en Algérie, avançant l'argument que la situation politique, sociale et économique diffère de celle de ces deux pays. Une lecture que réfute Khelil Moumen. «Les autorités égyptiennes ont utilisé le même langage au lendemain de la chute de Ben Ali. Elles ont exclu toute possibilité de contagion en mettant l'accent sur la spécificité du contexte égyptien. Le résultat, on le connaît», dit-il, tout en affirmant que le discours actuel des responsables algériens n'a aucune incidence sur le cours des événements. «C'est un discours qui prouve que le pouvoir souffre de cécité chronique, refusant de voir les difficultés sociales qui s'accumulent d'année en année», a-t-il déclaré. Pour notre interlocuteur, le pouvoir est, aujourd'hui, «incapable de revoir son mode de gouvernance. Mépris et manipulation constituent son langage». Une situation qu'il qualifie de «dangereuse» pouvant conduire le pays vers une «explosion sociale incontrôlée et incontrôlable». L'argument avancé est que «les structures de la médiation sociale ont été cassées et les acteurs politiques ne peuvent plus travailler leurs discours et tisser des liens avec la société». «Le fossé entre le politique et le ‘'réel'' n'a jamais été aussi profond», estime-t-il. M. Moumen persiste et signe que la rupture est bien là et que le discours actuel des autorités n'a aucune chance de changer quoi que ce soit. A la question de savoir, quels sont les points de divergence et de convergence entre la situation en Algérie et celles qui ont prévalu en Tunisie et en Egypte avant leurs révolutions, il répond : «La question ne se pose pas en matière de convergence ou de divergence. Il s'agit plutôt d'évaluer les conditions objectives qui provoquent ce vent de colère et de révolte dans ces trois pays.»