Initiative n Les adeptes du signe appellent à la création d'une école du signe en Algérie. Vers la fin des années 1960, fut créé le groupe Aouchem, un courant artistique venant rompre avec les bases académiques et didactiques en vigueur à l'époque. Ce groupe s'est manifesté à travers trois grandes expositions : la première, l'année de sa création en 1967, la seconde en 1971, suivie l'année d'après, en 1972, de la troisième. Et depuis la dernière exposition, chaque artiste du groupe a poursuivi seul son chemin. Il n'y a plus eu de collectif Aouchem qui, soulignons-le, a marqué la peinture algérienne moderne. Ce groupe avait pour particularité d'utiliser dans la création plastique, notamment en peinture, le langage du signe, celui qu'on retrouve sur les poteries ou tapisseries. Le signe, repris, récupéré et recréé avec une sensibilité plastique propre à chacun des artistes qui l'ont développé suivant leur imaginaire, devient d'emblée un élément clé de la création picturale. Il est réemployé sous diverses formes et dans des styles suivant l'inspiration ou la rhétorique poétique de chacun des artistes. Nombreux sont ceux qui, influencés par ces motifs et symboles, se sont désormais investis dans ce créneau, à l'exemple de Noureddine Chegrane, Denis Martinez… et, plus tard, Noureddine Hamouche. Mais depuis, rares sont les artistes qui continuent à s'inscrire dans ce cadre. Aujourd'hui, les adeptes encore actifs du signe, à l'instar de Noureddine Chegrane, appellent à la création d'une école du signe en Algérie et ce, «pour développer ce style de peinture inspiré des tatouages traditionnels et d'autres motifs berbères». Car, pour lui, «le signe, ce style de la peinture, revêt une importance dans la sauvegarde d'une partie du patrimoine immatériel». Pour Noureddine Chegrane, un des fondateurs du groupe Aouchem, et autres plasticiens, à l'exemple de Noureddine Hamouche, «la création d'une école du signe est nécessaire, dans la mesure où elle permettra aux jeunes artistes de développer leur sensibilité artistique et de créer, entre les artistes confirmés, un espace d'échanges, de création et d'innovation». Noureddine Chegrane, pour qui la peinture du signe reste en quelque sorte méconnue, presque inexistante, dans la mesure où il y a, aujourd'hui, très peu d'artistes qui s'emploient à réhabiliter ce langage d'une façon créative dans la peinture, estime nécessaire la création de cette école. Et d'expliquer : «Nous devons exploiter tous les motifs que recèle notre patrimoine et dont la symbolique n'est pas fortuite, pour en faire une école. Ces signes, qu'ils soient sur de la poterie, des tapis ou dans les tatouages des femmes, véhiculaient des messages. En résumé, il s'agissait d'une communication graphique.» Noureddine Chegrane, qui déplore le peu de documents et de recherches anthropologiques approfondies sur la symbolique des signes berbères, explique que «le signe est un mode d'expression d'une ancienne époque qu'utilisait la femme rurale en s'inspirant des éléments de la nature» et que «les signes berbères forment un domaine qui mérite beaucoup de recher-ches anthropologiques afin de mieux comprendre leur symbolique».C'est pour cette raison que les plasticiens œuvrant dans ce cadre disent que «le monde des signes a quelque chose de magique et de mystérieux». Et de préciser : «La peinture du signe se veut un art qui met en exergue le patrimoine culturel berbère et sauvegarde ce riche legs ancestral comprenant un nombre presque infini de symboles au sens magique caché.»D'où l'importance de la création d'une école pour enseigner ce style de peinture et former les jeunes plasticiens à ce genre de langage. Cette école permettra «le maintien d'une culture populaire», l'expression de l'art algérien, et ce, avec une rigueur intellectuelle et une sensibilité résolument profonde, dans des compositions géométriques, reproduites ou inspirées de cet art ancestral qu'est l'aouchem. Ces artistes – les adeptes de ce patrimoine immatériel – tiennent à retrouver à travers l'école qu'ils espèrent voir un jour se constituer et, en conséquence, dans l'enseignement du signe, aussi bien la vivacité que la couleur de la peinture à travers laquelle ils expriment leur sensibilité et leur imaginaire.