Expression n Les deux caricaturistes, l'Algérien Dilem du quotidien Liberté et le Français Plantu du journal Le Monde, ont animé, hier, une conférence au Centre culturel français. C'était dans une salle archicomble, et tout en humour et en simplicité, que les deux caricaturistes sont revenus sur le métier qu'ils exercent, racontant chacun son expérience et son itinéraire. A travers leurs planches respectives, chacun d'eux tentait d'expliquer le rôle de la caricature. Un dessin qui interpelle le sens plus que l'intellect, comme le fait un article. Tour à tour, ils se sont relayés, prenant tantôt le micro, dessinant tantôt en direct selon l'inspiration du moment. Tous deux considèrent que le dessin de presse est plus efficace, plus percutant qu'un article, il a un impact immédiat et certain sur le lecteur. Ils le qualifient de meilleure arme dans la mesure où il est un moyen d'expression, de communication qui favorise l'échange de points de vue. Par ailleurs, les deux orateurs ont démontré que la caricature – ou le dessin de presse – s'avère un acte journalistique à part entière, qui se suffit à lui-même. Il véhicule la vision de son auteur sur tel événement ou telle situation. Abordant la question des limites de la caricature, les deux intervenants ont été unanimes à affirmer qu'«elles [les limites] se sentent». C'est dû aux convictions, à la société à laquelle appartient le dessinateur, aux interdits, aux mœurs ainsi qu'aux convictions. Toutefois, ils ont précisé que «les interdits ne doivent pas être imposés». Plantu, pour qui le métier de dessinateur de presse est «une bataille de tous les jours», évoquera les contraintes auxquelles un caricaturiste est confronté. Il confie que cela lui arrive d'être censuré dans le journal où il officie. «Des fois, mes dessins sont refusés, jugés trop osés», a-t-il dit. «Alors, pour contourner le problème, je fais trois à quatre propositions à mon rédacteur en chef, et ce n'est qu'après de longs conciliabules que la rédaction m'indique la proposition retenue», a-t-il ajouté. Pour sa part, Dilem reconnaîtra les quelques fois où il a été censuré ou contraint à modifier son dessin pour le rendre peut être plus lisse. «Je bénéficie d'une plus grande marge de manœuvre, avec cette latitude de pouvoir balancer un dessin qui ne colle pas forcément à l'actualité avec laquelle ouvre mon journal», a-t-il dit. Toutefois, les deux dessinateurs s'accordent à avouer qu'ils ont connu les mêmes situations ubuesques, mais à des degrés différents. Plantu subissant la censure de son journal ou la réaction des lecteurs à tel ou tel dessin, et Dilem collectionnant les procès devant la justice pour ses dessins jugés parfois osés et portant atteinte à l'individu. Dilem, pour qui «le seul acquis qui nous reste de 1988, c'est bien la presse et la caricature», dira que depuis qu'il a commencé à «sévir» par ses dessins dans le quotidien Liberté à ce jour, il a évolué, voire mûri. «Il y a certains dessins qu'avec du recul, je regrette aujourd'hui, mais il faut dire qu'à l'époque, j'étais jeune et surtout contestataire», a-t-il confié. Cette causerie est accompagnée d'une exposition des dessins de Dilem et de Plantu, des dessins vifs, pertinents, d'une franchise exceptionnelle, en somme des dessins profonds et critiques. La rencontre avec Dilem et Plantu s'inscrit dans une tournée qui les a conduits aux CCF de Constantine, d'Oran et d'Alger. Cette tournée entre dans le cadre de la Fondation Cartooning for Peace. Cette fondation, créée en 2006 par l'ancien S.G. de l'ONU, Kofi Annan, et Plantu, s'est fixé comme objectif d'aller vers une meilleure compréhension et un respect mutuel entre les populations de différentes croyances et cultures, et ce, bien sûr, avec la meilleure des armes qui soit, c'est-à-dire la caricature. Pour rappel, cette fondation est née suite aux fameuses caricatures sur le Prophète Mohamed (QSSSL), publiées par un journal danois, et qui ont généré les protestations de la nation musulmane. Depuis la création de la fondation à ce jour, Plantu a entraîné avec lui dans cette belle aventure près d'une centaine de caricaturistes d'une trentaine de nationalités. L'objectif consiste ainsi à promouvoir le message de cette fondation et à éclairer l'opinion internationale sur une meilleure compréhension et un respect mutuel entre des populations de différentes croyances ou cultures, et ce, à travers le dessin de presse, comme outil de communication et moyen d'expression.