Protesta n Le mouvement de protestation né en Tunisie n'en finit plus de faire des vagues. Après l'Algérie et surtout l'Egypte, c'est au tour de deux pays du Moyen-Orient de se soulever : le Yémen et la Jordanie... C'est la Tunisie, pays du Maghreb qui a donné le ton, il y a quelques mois à l'extraordinaire révolution qui secoue aujourd'hui les peuples arabes. L'immolation de Bouazizi, un modeste marchand de légumes qui a été victime de «hogra» de la police de Ben Ali mettra carrément le feu aux poudres dans le pays. La protesta gagnera les grandes villes puis la capitale mais sera vite réprimée dans le sang. Il n'en faudra pas plus pour que les émeutiers qui se sont radicalisés réclament le départ du dictateur tout simplement. Le même slogan est brandi à Tunis, Sousse, Sfax ou Gabès. Un slogan on ne peut plus explicite : «Ben Ali dégage». Malgré les énormes concessions politiques accordées face à la pression, la rue tient bon. Plus déterminé que jamais, le peuple refusera de lâcher prise. Et la suite, nous la connaissons. Le dictateur prend peur, quitte le pouvoir et fuit. La fratrie des Trabelsi quitte le navire dans la précipitation, avec un esprit de chacun pour soi et le monde stupéfait s'aperçoit alors qu'un peuple désarmé mais décidé était capable de renverser n'importe quelle dictature pour peu qu'il y mette le prix. L'exemple tunisien que la presse française a baptisé «révolution du jasmin» ne tardera pas à faire des émules partout où les dictatures se perpétuent de mandat en mandat. Les Egyptiens, qui réclamaient plus de liberté et des élections libres et transparentes sans jamais obtenir la plus petite promesse, suivront en organisant des manifestations monstres dans les grandes villes du pays. La place Tahrir au Caire contiendra, certains jours, jusqu'à un million de personnes. La tactique de cette protesta d'un nouveau genre est simple : occuper massivement la rue, matin, midi et soir et brandir le même slogan partout : «Moubarak dégage». Cette démonstration de force inspirée encore une fois du Maghreb aura le mérite de ne pas tomber dans l'insulte grossière et la provocation gratuite en évitant les récupérations des groupuscules religieux ou des groupes politiques. Son but était clairement et nettement affiché : «Nous ne voulons plus de Moubarak, de sa smala et de son régime». Et la ténacité des enfants du Nil a fini par payer. Une ténacité qui a non seulement mobilisé de larges pans de la société ont rejoint les manifestants, y compris des hommes politiques tels qu'Amr Moussa, l'indéboulonnable secrétaire de la Ligue arabe, mais elle a aussi fait plier Moubarak lui-même. Ce dernier a préféré jeter l'éponge et se retirer à Charm Al-Cheikh. Le Yémen, Oman, le Bahreïn, la Jordanie, l'Irak et la Libye sont également entrés dans la danse et secouent aujourd'hui leurs régimes. Déjà, on voit clairement les premières fissures dans ces systèmes en fin de vie. Le même slogan tunisien est repris à Sanâa, en français même «Salah dégage». Les monarchies du Golfe tremblent et, suprême hérésie, même les femmes se sont mis à contester à... visage découvert. Plus surprenant encore. La révolution du jasmin a même tourné la tête aux Chinois. A Pékin, depuis quelques jours, des citoyens censés être des badauds commencent à se rassembler ici et là pour déposer des bouquets de jasmin…