Expédition n La mission de conduire le nouveau gouverneur du Sénégal est confiée à Duroy de Chaumareys, un noble émigré, radié de la marine pour incompétence. Après vingt années de guerre, au printemps 1814, Napoléon est vaincu. Les puissances européennes, qui ont précipité sa chute, décident aussitôt de convoquer un congrès à Vienne, pour étudier la nouvelle situation et trouver le moyen d'établir la paix. L'artisan du congrès est Karl von Metternich, le fameux chef de la diplomatie autrichienne : il a réussi à faire venir dans sa capitale souverains, hommes d'Etat, courtisans et observateurs, auxquels il va offrir fêtes sur fêtes et banquets sur banquets, tandis que les représentants des quatre puissances victorieuses, l'Autriche, la Prusse, la Grande-Bretagne et la Russie, redessinent la nouvelle carte de l'Europe, en s'attribuant des territoires et de nouvelles zones d'influences. Le roi de France, Louis XVIII, charge Talleyrand de rejoindre le congrès de Vienne et, jouant habillement les rivalités qui existent entre les puissances, il parvient à se faire admettre à leurs conférences. On parvient à se mettre d'accord sur dix-sept règlements, résumés dans un acte final qui sera signé le 9 juin 1815. Une confédération germanique composée de 34 Etats souverains et de 4 villes libres est créée, l'Italie est divisée en sept Etats contrôlés par l'Autriche, la navigation sur le Rhin et le Danube est internationalisée… La France, elle, est tenue en respect par toute une série d'Etats tampons comme le royaume de Sardaigne-Piémont ou le royaume des Pays-Bas, qui comprenait la Hollande et la Belgique, mais elle retrouve ses anciens établissements sur la côte occidentale d'Afrique qu'elle a perdus au cours de la Révolution de 1789. Une année après le Congrès de Vienne, en juin 1816, une frégate, suivie de trois autres navires, s'apprête à quitter la rade d'Aix en direction de l'Afrique. Elle conduit à Gorée et à Saint-Louis du Sénégal le nouveau gouverneur de la colonie ainsi que les troupes chargées de reprendre possession du territoire. Le commandant de la frégate s'appelle Duroy de Chaumareys, un noble, émigré au cours de la Révolution. Après le désastre de Quiberon, il a été écarté de la marine, mais la Restauration de la monarchie en France va le propulser de nouveau. En effet, il va faire valoir auprès de Louis XVIII les services rendus à la cause royale et obtenir le grade de capitaine, puis celui de commandant de la division du Sénégal. De l'avis des témoins de l'époque, Duroy, un homme d'un certain âge, est un piètre marin. Voilà près de vingt ans qu'il n'a commandé un navire et il brûle d'impatience de se lancer de nouveau sur les mers, de sentir tanguer sous ses pieds, un navire. Il a fait préparer un uniforme et répandu la nouvelle de son prochain départ, pour faire rager ses ennemis… ces derniers ont tout fait pour dissuader les autorités de lui redonner du service, rappelant le désastre de Quiberon. Mais faute de produire des certificats attestant de son expérience, Duroy a mis en avant sa fidélité au roi, au cours de toutes ces années d'exil… Et il a fini par l'emporter ! Il a fait arborer sa marque sur la frégate qui va le conduire au Sénégal et placé un pavillon blanc, l'emblème du roi en exil. Le 17 juin, il donne le départ. Il ne sait pas que la frégate qu'il conduit, «La Méduse», va faire son dernier voyage. (A suivre...)