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Saïd Chemakh* à Infosoir
«Il y a lieu de s'inquiéter»
Publié dans Info Soir le 19 - 04 - 2011

Extinction n D'ici à 2050, les spécialistes prévoient que 3 000 langues sur les 6 000 qui existent sur la planète disparaîtront...
InfoSoir : 15 ans après son introduction, tamazight est toujours facultative. N'y a-t-il pas lieu de s'inquiéter ?
M. Chemakh : Ce n'est pas le linguiste qui prend les décisions, ce sont les hommes politiques. Le linguiste a un savoir, il le transmet et il recommande. Mais l'inquiétude la plus grave par rapport à tamazight, c'est celle de sa disparition. Selon le rapport de l'Unesco d'ici à 2050, il y aura au moins 3 000 langues qui vont disparaître sur les 6 000 qui existent sur la planète. Il y a lieu de s'inquiéter aussi pour tamazight. On a vu certaines variétés de tamazight disparaître : celle de Betioua près d'Arzew ainsi que celle de l'Atlas de Blida qui est en voie d'extinction. Il est sûr que certaines variétés de tamazight disparaîtront d'ici à 2050 parce qu'elles n'ont pas eu la même démographie et les mêmes moyens que le kabyle.
Justement, que faire pour éviter cette disparition ?
Certaines variétés de tamazight ont peu de chances de survivre. Comment lutter contre ce fléau, voilà la véritable préoccupation. Il faut donner à tamazight tous les moyens de communication modernes. Si l'on n'arrive pas à assurer une normalisation de tamazight, elle sera condamnée à disparaître. La normalisation est l'utilisation dans la vie de tous les jours aussi bien pour avoir son extrait de naissance, un acte notarié, une carte d'identité. Ce sont des moyens qui dépassent le linguiste. Ce sont des décisions politiques qu'il y a lieu de prendre.
Y a-t-il une réelle volonté politique de promouvoir l'usage et l'enseignement de tamazight ?
Il y a des volontés politiques qui se sont exprimées en vue de cette normalisation qui est presque au même niveau qu'au Maroc. Mais il y a toujours au sein des deux pouvoirs respectifs, algérien et marocain, des forces qui sont réticentes à cette évolution. C'est pourquoi, il n'y a qu'une démocratisation de ces régimes qui peut permettre l'émergence d'une normalisation effective de tamazight.
Et si l'on se compare à nos voisins marocains et tunisiens ?
Pour les Tunisiens, le berbère a presque disparu. Les villages sont désertés, il n'existe que dans la petite île de Djerba, mais l'arabisation avance. Pour le Maroc, c'est différent. Il y a, dans ce pays, un fort mouvement culturel revendicatif. Il est vrai qu'il n'est pas structuré de la même façon que le mouvement kabyle, mais le fait d'avoir l'Institut royal de la culture amazighe (Ircam) et un enseignement c'est déjà un élément positif. Je crois que beaucoup de choses restent à faire.
En Algérie, disposons-nous aujourd'hui de suffisamment de documentation pour approfondir l'étude et la culture amazighes ?
Nous avons suffisamment de documentation, mais en matière de recherche tout reste à faire. Ce qui a été fait par des linguistes, tels que André Basset, Lionel Galand, Mammeri, Chaker et d'autres, est pertinent mais beaucoup de phénomènes linguistiques restent à décrire et beaucoup de dialectes parmi les 14 que compte tamazight sont presque des terrains en friche qui ne sont pas décrits.
*Enseignant au département de langue et culture amazighes de Tizi Ouzou


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