La nouvelle loi sur les partis politiques s'annonce beaucoup plus rigoureuse et sélective. C'est ce qui ressort des déclarations, ce matin, du ministre de l'Intérieur, Dahou Ould Kablia. La loi de 1990 était, selon lui, extrêmement permissible, ce qui a mené à l'agrément de partis politiques sur une base religieuse. Pourtant, la Constitution interdit l'agrément de tout parti à caractère religieux, ethnique, linguistique ou sexuel. La nouvelle loi sur les partis politiques, prévue dans le cadre des réformes annoncées par le président de la République, ne permettra pas d'agréer des partis islamistes. «La Constitution ne permet pas d'agréer des partis islamistes. L'article 42 de la Constitution prévoit que tout parti qui veut se constituer sur une base religieuse, ethnique, linguistique, raciale ou même sexuelle n'est pas autorisé. Les partis qui se revendiquent d'un système autre que le système républicain et démocratique ne seront pas agréés», a déclaré, ce matin, Dahou Ould Kablia, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, sur les ondes de la chaîne III de la radio nationale. Quant à la réhabilitation du FIS dissous, il a affirmé que «c'est un point qui n'a jamais été discuté», la nouvelle loi sur les partis politiques va, selon lui, corriger les insuffisances qui ont été notées au niveau de la loi de 1990, «une loi extrêmement permissible qui a permis à l'époque l'agrément d'une soixantaine de partis qui ne remplissaient pas les conditions viables. Une bonne quarantaine de partis ont disparu d'eux-mêmes parce qu'ils n'avaient pas la représentativité nécessaire et leurs dirigeants étaient extrêmement divisés». La nouvelle loi stipulera certaines conditions pour l'agrément de partis politiques. «Il faut que le parti ait des adhérents dans au moins la majorité des régions du pays, des statuts qui permettent un fonctionnement démocratique (des assemblées générales qui se tiennent régulièrement, des dirigeants qui soient élus de manière démocratique en présence d'auxiliaires de justice, il faut que les scrutins soient des scrutins réguliers à bulletins secrets)», a souligné M. Ould Kablia. Concernant la nouvelle loi électorale, le ministre a affirmé que le principal point à changer consiste dans le régime de représentativité (régime proportionnel ou prime à la majorité). L'essentiel, a-t-il expliqué, va porter sur «le système de représentation des différents partis au niveau des élections pour avoir le maximum de chances de figurer plus tard dans ces assemblées». Une chose qui va également changer est, selon lui, la loi sur les compatibilités, c'est-à-dire, qui peut être autorisé à faire acte de candidature et qui ne peut pas l'être. «Actuellement, nous savons qu'il y a certaines professions qui ne le permettent pas tels que les magistrats , les fonctions supérieures, les services de sécurité, mais il y aura peut-être d'autres critères relatifs notamment à l'exercice de certaines activités commerciales ou industrielles, les grands magnats, ceux qui ont le pouvoir financier parce que nous considérons que dans un pays démocratique et populaire, il y a une incompatibilité entre l'argent et le pouvoir», a indiqué le ministre. Par ailleurs, M. Ould Kablia a tiré à boulets rouges sur les partis de l'opposition. «Ça fait dix ans que je suis au ministère de l'Intérieur, je n'ai jamais vu ces partis d'opposition proposer un programme alternatif. Ils se bornent à critiquer de manière permanente, mais le jour où ils auront un programme, une adhésion, une représentation normale et importante, ils pourront peser au niveau des assemblées pour opérer les changements qu'ils veulent», a-t-il dit. Recrudescence du terrorisme : «Un lien avec la situation politique» Pour le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, la recrudescence des attentats pourrait être liée à la situation politique dans le pays. «Je lie cette reprise de cette activité à l'évolution de la situation politique dans le pays. Comme quoi, rien ne peut se faire dans ce pays si nous ne sommes pas partie prenante», a-t-il dit, allusion faite aux groupes terroristes, qui veulent transmettre le message qu'aucun changement ne peut être opéré sans qu'ils y soient associés. Il a ajouté : «Il y a trois ou quatre régions du pays où le terrorisme se manifeste. Il est évident que c'est toujours possible pour ces unités terroristes, qui vivent généralement d'une manière dispersée, de regrouper un certain nombre de combattants pour faire une action médiatique. Il faut mettre cela sur le compte de la baisse de vigilance. Lorsque les choses paraissent calmes et apaisées, les services de sécurité ont tendance à baisser la vigilance. Cela explique le grand nombre de personnes décédées récemment», a-t-il expliqué. Concernant le lien avec la situation en Libye, le ministre a estimé que les informations relatives à l'acquisition par Aqmi (Al-Qaîda au Maghreb islamique) d'armement en provenance de Libye ne relèvent pas de la rumeur mais de la supposition. «Il y a évidement des possibilités d'infiltration d'armement à partir de la frontière libyenne. Je n'ai pas connaissance que ces armes soient déjà parvenues, mais cela n'est pas à exclure compte tenu de la recrudescence des actions contre les services de sécurité », a-t-il précisé. Les services de sécurité doivent, selon lui, déterminer les types d'armes utilisées dernièrement. «S'agit-il d'armes connues auparavant ou s'agit-il d'armes nouvelles ou d'armes lourdes ? Cela reste à connaître. Je ne peux pas me prononcer sur cette question», a-t-il conclu. Ould Kablia répond au rapporteur de l'ONU «Des déclarations inopportunes» Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales a qualifié «d'inopportunes» les déclarations de Frank La Rue, rapporteur spécial de l'ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'expression et d'opinion, faites dimanche, lors d'une conférence de presse à Alger. «Elles ne nous engagent absolument pas. Ceux qui veulent nous donner des leçons, doivent bien se garder de le faire», a estimé Dahou Ould Kablia. «La Constitution algérienne accorde le maximum de libertés qui peuvent ne pas exister dans d'autres pays, des pays qui nous donnent la leçon aujourd'hui. Il s'agit de la liberté de conscience, la liberté syndicale, la liberté d'expression, la liberté de réunion, la liberté d'association. Il y avait eu peut-être une petite restriction avec l'application de l'état d'urgence. Maintenant que cet état d'urgence a été levé, toutes ces libertés vont être restaurées et l'accès aux médias également autorisé et encouragé», a-t-il ajouté.