Les routes qui mènent vers Bentalha et Raïs sont abruptes, bourbeuses et sinueuses. Un chemin de campagne. Pourtant, ces localités ne sont distantes d?Alger que de 20 kilomètres. Des voies mal goudronnées, des trottoirs inexistants, à la place, des buissons. Aucune plaque de signalisation, seulement quelques panneaux d?éclairage borgnes. Une piste sombre avant même la tombée de la nuit. Au loin, des arbres séculaires coupés, d?autres rasés ou brûlés, témoignent du terrorisme vécu dans cette région, autrefois appelée «le triangle de la mort». Aux abords, des citoyens, aux visages bistrés, qui attendent depuis des heures des transports vétustes qui les emmèneront au centre-ville. De nouvelles constructions, ici et là, décorent les différentes allées et artères des deux communes. Une preuve de renaissance, d?un retour à la vie. Cependant, Bentalha et Raïs restent des localités démunies et pauvres. Alors que Baraki, à quelques mètres seulement, s?élève comme une métropole égoïste. Une cité moderne et arrogante. De véritables frontières s?érigent abstraitement entre deux mondes parallèles, qui coexistent, sans pour autant partager les mêmes conditions, les mêmes tracas? Baraki offre, en effet, un visage gai, qui respire la vie. Des pizzerias, des magasins, des cafés, des salles de sport, des restaurants, des librairies y ont pignon sur rue. Tandis que Bentalha et Raïs, ébranlées par la mort, souffrent en silence. Des constructions en parpaing et en briques, qui couvent une misère profonde. Beaucoup reste à faire. La campagne électorale bat son plein, alors que ces deux régions semblent esseulées. Quelques affiches colorées du candidat Bouteflika, collées sur d?anciens posters. Puis s?ensuit ce vide qui engloutit la ville et sa population. Ici, les gens préfèrent parler de chômage, de pauvreté, d?eau, de gaz plutôt que du vote.