Une fois, la Première Mère du Monde moulait des grains avec son moulin à main, puis elle mélangea la farine ainsi obtenue avec de l'eau. A une heure avancée de la matinée, elle modela la pâte pour lui donner la forme d'une brebis. Comme elle avait de la suie des marmites sur les mains, la tête de la brebis était toute noire, alors que le reste du corps demeurait tout blanc. Ensuite, elle déposa la brebis en pâte dans le son qui se trouvait autour du moulin et qui avait été séparé de la farine au moment de la mouture. Le son resta collé au corps de la brebis et se transforma en laine. Le lendemain, la Première Mère du Monde mélangea encore de la farine et de l'eau pour obtenir de la pâte qu'elle modela ensuite pour donner forme à un bélier. Puis elle lui fit des cornes. Celles-ci n'étaient pas dressées vers le haut, pour éviter que les êtres humains ne s'y piquent et ne s'y blessent. Elle lui fit des cornes recourbées en spirales autour des oreilles, une à droite et l'autre à gauche. Au moment où elle s'apprêtait à le poser dans le son, elle entendit bêe, bêe, bêe... ! Le petit mouton qu'elle avait modelé la veille, prend vie et se met à bêler à côté du tas de son. «Mais qu'est-ce que cela ?, se demanda-t-elle. Le premier mouton que j'ai modelé hier avec de la pâte de farine d'orge émet des sons et pousse des cris comme moi ! je vais lui donner à manger ce que je mange !» Là-dessus, elle donna à la brebis du couscous puis elle déposa, dans le son, le bélier tout noir qu'elle venait de façonner. Le troisième jour, elle modela un autre mouton tout blanc avec de la pâte de farine. Le quatrième jour, elle fit également un autre bélier tout blanc. Le cinquième jour, il y avait dans le son quatre moutons vivants dont une femelle, la brebis, ayant la tête noire et le reste du corps tout blanc. L'autre femelle était toute blanche. Les autres moutons étaient des béliers, un blanc, un noir. Après avoir créé ces quatre moutons, elle rendit visite au Premier Père du Monde pour lui dire : «Cela suffit pour le moment», et elle cessa de créer d'autres moutons. Elle garda les moutons chez elle et les nourrit. Ils grandissaient et bêlaient. Les voisins, qui habitaient tout près, entendirent les bêlements et vinrent s'informer : «Dites-nous, qu'avez-vous donc à la maison qui crie ainsi ?» – «Oh, ce n'est rien, dit-elle, c'est sans importance. Ce n'est rien que vous n'ayez vous aussi. C'est seulement la galette qui crie ainsi !» Les voisins s'en allèrent. La Première Mère du Monde donna encore plus de couscous et d'autres mets aux moutons, ce qui les fit grandir rapidement. Lorsque ces moutons furent adultes, ils s'approchèrent de la porte. Ils se pressèrent à la porte et regardèrent au dehors. Ils découvrirent l'herbe à l'extérieur et se précipitèrent hors de la maison pour brouter avec appétit. Ils broutèrent toute l'herbe des champs alentour et allèrent paître ailleurs, çà et là. Les voisins virent les moutons et se rendirent chez la Première Mère du Monde pour lui demander : «Nous avons déjà vu des bœufs, des taureaux et des vaches, mais quels sont ces animaux ? Comment les as-tu obtenus ?» Elle ne voulait pas avouer comment elle avait créé ces moutons ; elle leur dit : «Ces animaux sont venus vers moi la nuit et nous les avons accueillis en amis. Alors ils sont restés avec nous. Ils sont comme des êtres humains, comme vous et moi.» (A suivre...)