Résumé de la 2e partie n M. et Mme Lynn qui appartiennent à la secte des Témoins de Jéhovah, ne veulent pas que leur fille soit opérée... «Lorsque j'ai reçu votre diagnostic et votre proposition d'effectuer sur ma fille une exsanguino-transfusion, explique M. Lynn, j'ai voulu m'assurer que rien dans la Bible ne condamnait cette pratique. Tout de suite, je suis tombé sur ce commandement de Dieu : ‘'Tu ne prendras à ton frère : ni son âne, ni son bœuf, ni sa femme...'' J'ai pensé qu'à plus forte raison on ne devait pas lui prendre son sang.» Le patron n'ose même pas lui faire remarquer qu'il a extrapolé... pour lui, ces gens sont fous. Devant le petit berceau blanc de Cherryl Lynn, la mère se raidit un peu plus. Des larmes lui montent aux yeux, mais elle serre les dents et n'a pas besoin de sortir un mouchoir. C'est M. Lynn qui paraît encore le plus affecté. Ses mains tremblent sur le bord du petit berceau et le patron voit monter et descendre plusieurs fois sa pomme d'Adam pour retenir un sanglot lorsqu'il se penche sur l'enfant. Cherryl ressemble à un petit cadavre exsangue, abandonné comme un chiffon fripé sur l'oreiller. «Vous voyez.., dit le professeur, il faut faire quelque chose. On ne peut pas la laisser comme ça... Je respecte vos convictions, mais je crois que vous devez réfléchir encore. Peut-être pourriez-vous consulter d'autres témoins de Jéhovah. Ils ne seraient peut-être pas du même avis. «Cette fois, comme M. Lynn, dont les lèvres tremblent, est incapable de parler, c'est sa femme qui répond, et d'une voix sèche : ‘'Nous l'avons fait, monsieur le professeur. Nous avons convoqué nos frères en religion. Une réunion s'est tenue chez nous. Bien sûr, il y a eu quelques controverses mais le verdict a été formel : la transfusion sanguine est un crime contre la nature telle que Dieu l'a établie.''» Cette fois, le professeur explose : «Et la leucémie alors ! N'est-ce pas un crime contre nature ? — Les maladies, monsieur le professeur, c'est Dieu qui nous les envoie. — Qu'est-ce que vous en savez ? La leucémie, c'est une sorte de cancer du sang. Une maladie qu'on connaissait à peine il y a quelques années. C'est peut-être la civilisation de l'homme qui en est responsable !» M. Lynn retrouve sa voix pour déclamer sentencieux un verset en réalité assez obscur de la Genèse : «Tu ne nourriras point de viande avec la vie, c'est-à-dire avec le sang. — Taisez-vous ! hurle alors le patron. Tout ceci est un charabia insensé ! La seule chose claire, c'est que vous condamnez votre fille à mort. — Nous prions le Seigneur...» répond M. Lynn. Là-dessus, croisant dans les couloirs le personnel hospitalier qui, prévenu par les éclats de voix du patron et le téléphone arabe, les regarde avec stupeur, ils s'en vont dignement. Et chez eux, effectivement, ils se mettent en prière entourés de plusieurs témoins de Jéhovah. Bien entendu, l'histoire de Cherry ! Lynn a vite fait de franchir les murs de l'hôpital. La presse et la radio s'en emparent et les foyers américains se passionnent. Le patron est assailli de démarches contradictoires. Des associations de parents viennent le trouver, frémissantes d'indignation devant l'attitude de M. et Mme Lynn. Des associations puritaines, au contraire, s'efforcent de le convaincre que si les parents ont donné la vie à cette enfant, ils ont bien le droit de décider des moyens par lesquels cette vie doit être préservée. Un journaliste lui fait remarquer que dans les régimes totalitaires la question ne se poserait pas puisque leurs doctrines veulent d'abord que l'enfant appartienne à l'Etat.(A suivre...)