Le nif, on le sait, c?est le nez, et par métaphore, l?honneur. Allez savoir pourquoi nos ancêtres ont fait de cet appendice, somme toute banal, le symbole d?une valeur aussi élevée que l?honneur ? Peut-être parce que le nez occupe le milieu de la figure et que c?est lui qui lui donne un sens, du moins le croit-on. Ailleurs, «avoir du nez» signifie tout simplement «avoir du flair», fonction tout à fait normale pour l?organe de l?odorat. Mais revenons à notre nif. Qu?il soit gros, mince, long, court, aplati, beau ou laid, il connote toujours l?honneur. «Il a du nez» signifie «c?est un homme d?honneur» (on le dit aussi des femmes) ; «il n?a pas de nez» signifie «il n?a pas d?honneur». En berbère, anzaren, littéralement «narines», a le même emploi, mais souvent on lui préfère dans cette langue, nif. On a même forgé à partir du mot «amnifi» (homme d?honneur) et «tamnifit» (femme d?honneur). Nif, c?est l?honneur mais c?est aussi le sens de l?émulation ?pour ne pas dire la jalousie ? qui pousse les hommes et les femmes à imiter les autres, et si possible à faire mieux qu?eux. C?est le nif qui conduit certains pères de famille à mettre toutes leurs économies dans la construction d?une maison ou l?achat d?une voiture, que le frère, le cousin ou le voisin possèdent. C?est le nif encore qui donne aux pauvres la force de résister à la faim et à la misère et à ne demander l?aide des autres que lorsqu?ils ne peuvent pas faire autrement. Nif, nif, nif : tout est question de nez et on ajoute parfois au mot l?expression «ou lekhsara», c?est-à-dire «et le dommage». L?honneur et la perte, l?honneur et la banqueroute, et peut-être même l?honneur et la mort. Autrement dit : tout, sauf le déshonneur. Beaucoup pensent que le nif est en perte de vitesse dans un société où les valeurs traditionnelles sont en baisse. En tout cas, le langage, lui, conserve les images et le nez, dans les langues algériennes, continuera à faire parler de lui.