Polémique n Le ministre est allé jusqu'à défier Me Ksentini d'apporter des preuves et statistiques relatives à ses récentes déclarations. La détention préventive est une mesure exceptionnelle confiée aux juges et ne dépassant pas un taux de 11% du nombre global des détenus, a souligné, hier, Tayeb Belaïz, ministre de la Justice et garde des Sceaux. Intervenant suite au débat des députés du Conseil de la nation sur les projets d'amendement du code pénal et de la loi relative à la lutte et la prévention contre la corruption, M. Belaïz a indiqué que la détention préventive est «une mesure exceptionnelle confiée aux juges, notamment d'instruction et nul n'a le droit d'intervenir y compris le pouvoir exécutif». En allusion aux déclarations faites par le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), Me Ksentini, le ministre a souligné : «Celui qui critique les institutions de l'Etat doit être objectif et ses déclarations doivent être fondées.» Me Ksentini avait déclaré que la justice recourait à la détention préventive de façon abusive et systématique et a indiqué que le tiers des détenus au moins étaient en détention préventive, sachant que la population carcérale comptait quelque 56 000 détenus. Me Ksentini a relevé que la détention préventive est une «grande faiblesse de notre système judiciaire», car il en est fait «un usage abusif et systématique», selon lui. Concernant l'écart entre les chiffres annoncés par la CNCPPDH et le ministère de la Justice, il a expliqué : «Nous n'avons pas les mêmes critères sur la détention préventive», relevant que la loi considère en état de détention préventive toute personne qui n'est pas définitivement condamnée, alors que le ministère de la Justice considère en état de détention préventive uniquement les personnes placées en détention préventive par le juge d'instruction. «La loi nous permet de nous débarrasser de cet abus et ce n'est qu'à ce moment-là que la justice peut se targuer d'être irréprochable», observe cet avocat, avant de constater que la détention préventive «fait des dégâts dans les foyers et des familles entières se sont écroulées à cause d'elle». Il a déploré une situation «tout simplement dramatique» qui «nécessite absolument d'être revue». Hier, M. Belaïz a réitéré que la détention préventive se situait entre 10,5% et 11% tout au plus, ajoutant que celui qui avance un taux plus élevé ou évoque des dépassements de la part de la justice doit apporter des études comparatives et des statistiques réelles. 90% des personnes en détention préventive sont impliquées dans des affaires pénales et non pas dans des délits, a-t-il indiqué, relevant que le taux de la détention préventive dans nombre de pays, y compris ceux connus pour l'indépendance et la force de leur justice, varie entre 17% et 20%. «Il faut plutôt parler de la victime innocente et de sa réaction, notamment quand celle-ci apprend que le juge d'instruction a laissé son agresseur en liberté», a-t-il dit, ajoutant : «C'est aux victimes de bénéficier de la protection de l'Etat et non pas l'accusé.» Extradition de Khalifa : «Pas limitée dans le temps» Le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, a affirmé hier que l'extradition d'Abdelmoumène Khalifa, condamné en Algérie par contumace à la perpétuité pour plusieurs crimes en relation avec la gestion de Khalifa Bank, «n'est pas limitée dans le temps». Il a indiqué que la justice britannique avait ordonné d'extrader Abdelmoumène Khelifa aux autorités algériennes et le ministre britannique de l'Intérieur s'était opposé au recours introduit pas l'accusé qui a fini par introduire un recours contre la décision de son extradition devant la Cour suprême britannique (High Court). Il a, en outre, ajouté que la Cour suprême britannique «est souveraine et indépendante et personne ne peut s'immiscer dans son travail», exprimant le vœu que cette dernière se prononce sur cette affaire «dans les plus brefs délais». La justice britannique avait accepté d'extrader Abdelmoumène Rafik Khelifa et de le remettre aux autorités judiciaires algériennes, lors de la séance tenue le 25 juin 2009 au tribunal de Westminster à Londres. Code pénal : «Aucun article qui concerne le journaliste» M. Belaïz a affirmé que le projet amendant le code pénal ne comprend aucun article qui concerne le journaliste. Répondant aux interrogations des députés du Conseil de la nation lors du débat des projets d'amendement du code pénal et de la loi relative à la lutte et à la prévention contre la corruption, M. Belaïz a précisé que le projet annule l'article 144-bis 1 relatif à la presse. Il a également indiqué que le code pénal amendé ne comprend aucun article qui concerne le journaliste et que l'article 144-bis portant sanction pour outrage au président de la République et l'article 146 portant sanction pour outrage aux autres institutions «ne concerne pas le journaliste mais est applicable à tout citoyen». L'article 144-bis 1 que le projet propose d'abroger punit les infractions d'outrage au président de la République commises par l'intermédiaire d'une publication quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle.