Conjoncture n Le ramadan, mois sacré de piété et de foi relègue au second plan les autres mois de l'année devenus donc, par la force des choses, des périodes où l'indifférence semble privilégiée. Il y a une immense tartuferie à ne se pencher sur la misère qu'en ce mois sacré, alors que la paupérisation est consacrée toute l'année. On ressort le grand arsenal de la bonté, de la charité institutionnelle, en étalant les chiffres de la compassion comme autant de hauts faits d'armes. Chaque commune y va de son plan d'action contre la pauvreté, en étalant avec une grande ostentation le nombre de repas servis quotidiennement à des nécessiteux. 350 repas par-ci, 600 repas par-là et 1 200 repas ailleurs. Il y en a même au niveau de certaines communes qui tirent un impudent orgueil à gonfler les chiffres, ignorant superbement que dans ce cas précis, c'est le nombre de pauvres existants qui permet, entre autres, de juger du niveau de la compétence des gouvernants. Autrement dit, nous sommes dans un cas de figure où c'est la wilaya, la région ou la commune qui présentera le plus petit nombre de couffins de ramadan distribués et de plats servis, qui pourra s'enorgueillir de lutter efficacement contre la pauvreté. Mais allez expliquer ce paradoxe à des bureaucrates obsédés par les nombres, revus à la hausse comme autant d'indicateurs de bonne santé. Outre-mer, les héritiers d'un saltimbanque qui a légué aux pauvres les fameux «restos du cœur» ont su raison garder et ils s'inquiètent qu'avec les années, les abonnés à la charité se fassent de plus en plus nombreux, au point que cette bonté au départ conjoncturelle est devenue, au fil du temps, une véritable institution. C'est que pour toute société, le développement de la charity-business est un aveu d'échec. Alors, lorsque chez nous, on fanfaronne en avançant des chiffres chaque année revus à la hausse, c'est qu'on avoue implicitement que la pauvreté s'est généralisée. Le pire, c'est que cette politique de la main tendue n'est de mise que pendant le ramadan et l'on se demande ce qu'il advient de tous ces abonnés à la soupe populaire le reste de l'année ? Il y a des relents de religiosité dans cette approche sélective et conjoncturelle de la charité puisque le mois de ramadan est propice aux altruismes inhérents à un pilier de l'islam, la zaket en l'occurrence. Alors quand les institutions officielles se mettent à pratiquer la charité en médiatisant à outrance ses bonnes actions juste à la veille et durant le mois de ramadan sacré, c'est qu'il y a maldonne et on serait bien avisé de penser qu'un jour on pourrait éliminer définitivement ces couffins à emporter, ces plats offerts comme une offense au PIB d'un pays qui connaît une embellie financière jamais atteinte de mémoire de baril de pétrole.