Parler du ramadan à Biskra, c'est évoquer obligatoirement deux périodes distinctes de la journée. L'une avant le f'tour et la seconde celle qui s'étend de la rupture du jeûne jusqu'à parfois des heures indues de la nuit. Le mois sacré du ramadan, cette année à Biskra, n'a pas été, pour ainsi dire, différent des années précédentes. Dès, les premiers jours, comme il est d'usage, les prix des fruits et légumes, des viandes et quelques produits et denrées alimentaires de première nécessité ont grimpé. La flambée des prix a même été considérable, le premier jour et on aurait dit une complicité tacite entre commerçants et consommateurs. Les premiers en garnissant de fort belle manière leurs étals et les seconds en donnant libre cours à des fantaisies, devenant subitement frénétiques. Des fines herbes en passant par les diouls et la zlabia, rien n'est épargné, il est même émouvant de voir ces grappes humaines s'agglutiner devant les vitrines. Les mosquées se remplissent de fidèles, les cafés regorgent d'amateurs de cartes et de dominos et les espaces s'avèrent trop exigus pour contenir tout ce beau monde. Durant le ramadan, également, le malaise se fait de plus en plus sentir parmi la population dont le pouvoir d'achat enregistre une baisse considérable. Mais chez les démunis, l'inquiétude et la peur deviennent le principal support de toutes les maigres dépenses. Se contenter d'une chorba et d'un bout de pain ne traduit point la belle vie. Chez les SDF et les sans-abri, c'est une tout une autre paire de manches. Les antennes du Croissant-Rouge algérien, où qu'elles soient à travers le territoire de la wilaya de Biskra, sont les lueurs d'espoir sur lesquelles les regards des démunis sont braqués. Mais qui va les approvisionner? Ceux qui croient encore fermement aux préceptes de l'islam subissent, à leur tour, la paupérisation et la misère. On s'achemine donc vers la loi du «sauve-qui peut», puisque les nantis pour lesquels l'Algérie est une vache à lait, sont les frelons qui mangent le miel. La mine que font les jeûneurs, aux premières heures de la journée, renseigne, sans risque de se tromper, sur les heures de veille. Il y a d'un côté ceux qui dorment tôt, reconnaissables à leur fraîcheur physique et leur présence d'esprit et de l'autre les noctambules qui, en bâillant, traînent dès le matin des yeux tout rouges par manque de sommeil. Il est de notoriété que durant le mois de carême, la productivité diminue, les dépenses s'accroissent et les femmes redécouvrent l'art culinaire. Les nerfs sont à fleur de peau et le carême a bon dos. Cette atmosphère bien spéciale, ne peut être autrement, d'ailleurs, et un mois de ramadan sans ces petites nonchalances, n'en serait probablement plus un. Durant ce mois également, si on n'est pas acheteur, on est forcément vendeur. La journée de ramadan commence au ralenti le matin et amorce un début d'animation le soir immédiatement après la rupture du jeûne, c'est la déferlante vers les grandes artères de la ville. Cependant cette année, le ramadan coïncide avec les rigueurs de l'hiver, le froid s'étant prématurément annoncé, ce qui rendra difficile le chauffage des maisons, vu la hausse perpétuelle du prix de l'énergie électrique et le gaz. Chaque ramadan, l'Algérien moyen se trouve dans une situation pire que celle qui l'a précédée et le citoyen supporte péniblement les rigueurs de la vie. Enfin, l'ambiance de ce mois sacré s'émousse au fil du temps, laissant ainsi place à une tristesse qui s'apparente, pour certains, au purgatoire.