Reconnaissance n Ce sont des musiciens artistes de Koléa qui ont tant donné à la musique notamment le chaabi. Aux beaux rythmes de la zorna de Miloud Ben Douara, pendant un bon petit quart d'heure à la salle des fêtes de la ville de Koléa (Tipasa), les artistes chaabis de renom Cheikh Abdelouhab Lounissi et Ahmed Zeghich ont imposé une ambiance très particulière vendredi soir en l'honneur du musicien Abderrezak Menouer . Dans une salle archicomble et toujours avec une forte présence de femmes et de familles, les artistes ont offert leurs k'cid à leurs mélomanes venus en masse se concentrer avec grand intérêt sur les paroles dans un silence absolu. Cette 2e soirée après celle qui a été dédiée vendredi dernier au musicien Adem Benouda, a concerné un autre hommage à l'un des anciens musiciens de Koléa ; Cheikh Menouer. Outre ses mélomanes, elle a vu la présence d'artistes et de poètes de renom avec lesquels nous nous sommes entretenus profitant de leur présence dont cheikh lechiakh Dahmane Aïssaoui, Mohamed Tobal, Ali Benaïssate et Ali Boudjelal. Les invités de marque de cette soirée nous ont parlé de la situation du chaabi aujourd'hui, du statut de l'artiste et de la recherche dans la poésie populaire et le k'cid. Les 4 veillées ramadanesques prévues durant tout le mois de jeûne à Koléa avec 3 troupes de la zorna de Koléa, à savoir celle de Guidoum Necer eddine, Miloud Bendouara et Tchiali, sont dédiées à Adem Benouda, Abderrezak Menouer, Abdelkader Louda et Mahmoud Slamani, dit Mourad. Ce sont des musiciens -artistes de Koléa qui ont tant donné à la musique notamment le chaabi. Cette série d'hommages selon le P/APC de Koléa Abdenaceur Houari, touchera avant la fin 2012, tous les artistes de Koléa sans exception. «C'est un merci à nos artistes de la ville qui ont tant donné à l'art en général et à la musique au niveau local et national, en particulier», nous a-t-il déclaré nous informant qu'un concours de récitation du Saint Coran sera organisé durant ce mois sacré pour primer les lauréats au niveau de la mosquée Okba le 27e jour et qui coïncide avec la célébration de Leilet el-Qadr et la circoncision des enfants démunis. Les soirées seront animées par des artistes de renom dont Chaou Abdelkader, Abdelouahab Lounissi, Cheikh Ahmed Zekkiche (Mostaganem), le jeune Lotfi Djennas, Cheikh Abderrahmane El-Kobbi, Kamel Belkhirate et cheikh Kamel Bourdib. Le 1er vendredi, pour rappel, a été dédié à El-hadj Adem Benouda pour lequel s'est reproduit sur scène l'artiste maître Cherif Saaoudi à la voix extraordinaire et la troupe Zorna de Nacer eddine Chiali. Cheikh Abdelouahab Lounissi La force de Lounissi – un grand talent du chant chaabi – réside dans le fait qu'il chante un rythme très spécial qui rassemble trois écoles : celles d'El Anka, d'Ezzahi et de Bourahla. Sa présence dans la salle pour chanter en l'honneur du cheikh Abderrezak Menouer ne pouvait passer inaperçue ou laisser indifférent. Cet artiste de Douaouda (Tipasa),avec plus de 40 ans de carrière, chante encore et ce, depuis l'âge de 12 ans quand il était en classe à Alger à la place Amara-Ali, dite djamaa lihoud. «Ce quartier était plein de disquaires et j'écoutais tout le temps le chaabi qui m'avait beaucoup inspiré et donné la force de chanter. Il y avait aussi des artistes connus qui passaient dans ce quartier pour animer des fêtes. C'est le cas de Omar Mekraza,élève d'El Anka et d'Amar Ezzahi». Il a commencé son entrée artistique avec la flûte lorsqu'il était au lycée pour passer à la mandoline durant toute sa carrière artistique. Une fois que la famille a déménagé à Douaouda en 1978, Abdelouahab Lounissi a pris attache avec Cheikh M'hamed Bourahla qu'il a côtoyé jusqu'à sa disparition en 1984 pour continuer son parcours avec Cheikh Abdelouahab Louda. En 1989,l'artiste a intégré l'association musicale El bassatine puis la maison de jeunes de la ville de Koléa où il a été encadré par l'artiste Cheikh El-Foudil. Lounissi, le chanteur reprend le k'cid que son frère Abdelhamid Lounissi lui écrit et celui de Cheikh Halim Toubal aussi. Ce soir-là, muni de son mandole qui ne l'a jamais quitté, il a chanté pour ses mélomanes ‘'Marbouaa el ked'' de Toubal ainsi que deux autres beaux k'cid (‘Sallou ala Rasoul Allah' et ‘Fadji Fadji belmouasla') de Zerrouk Daghfani. Notre artiste qui est très demandé par ses mélomanes, se sent écarté. Il fait passer un message à Arts et culture pour encourager les artistes et les pousser à travailler plus. «õus ne sommes pas encouragés. Nous activons depuis très longtemps mais nous n'arrivons même pas à enregistrer un album faute de moyens», se désole-t-il se disant révolté du régionalisme et de la discrimination entre artistes. Il a tenu à remercier les autorités locales de Koléa, notamment le président de l'APC qui nous a donné cette chance de nous produire à chaque fois à Koléa où j'ai appris beaucoup de choses et fait la connaissance d'un public connaisseur.» Cheikh Ahmed Zeghich Une soirée de qualité a été vécue vendredi à la salle des fêtes de Koléa avec l'artiste chaabi de Mostaganem Cheikh Ahmed Zeghich. Ce chanteur, natif de la cité Sidi Saïd (Mostaganem), s'est avéré avoir ses propres mélomanes à Koléa, venus en grande foule l'applaudir. Les Koléaciens le connaissent surtout à travers les fêtes familiales qu'il anime. «Les mélomanes de Koléa sont devenus mes amis. Je constate de plus en plus qu'ils connaissent la valeur du chaabi», a-t-il souligné. Avec ses k'cids interprétés par sa voix d'or conçue pour le chaabi, Cheikh Zeghich a offert à son public du madih et k'cid de Sidi Lakhdar Benkhlouf, de Mohamed Nedjar et de Benslimane. «Je me suis forgé grâce à plusieurs écoles dont Aziz Bouadjadj, les associations culturelles et artistiques de Mostaganem telles que Nadi el-hilal el-thakafi, Noudjoum, Fen et nachate.» L'artiste nous a révélé qu'il n'a jamais chanté les textes qu'il a écrits lui-même. Les causes : il nous a simplement répondu : «Nous avons suffisamment de k'cid dans notre patrimoine. Et comme on dit en arabe : ‘'Quand l'eau est là, tayamoum n'est plus valable''.» L'artiste a enregistré à la radio des albums de fêtes de mariages mais jamais de k'cid. Il chante généralement sur des thèmes religieux et sérieux dit dans le jargon chaabi «el djed» (sérieux). Il a fait des tournées avec Arts et culture, l'Onef et a également participé à «Alger capitale de la culture arabe». Très connu dans le milieu artistique à l'échelle nationale, le public de notre chanteur demande toujours textes dits ‘mafkoud' et ‘tazouiqat' avec sa voix douce mais qui fait parler d'elle. Le chercheur Ali Benaïssate, l'ami de l'artiste Zeghich, considère que ce dernier a donné un nouveau souffle à la chanson chaabie (parole et musique). Abderrezak Menouer Cheikh Abderrezak Menouer a été honoré lors de cette 2e veillée de ramadan. Ce «banjodiste», âgé aujourd'hui de 84 ans, s'est dit très heureux de cet hommage des responsables de sa ville Koléa. Il a travaillé avec un nombre important d'artistes chaabis à l'image du cheikh M'hamed Bourahla, Ali El-Houati et Bouakez. Mais l'artiste Menouer, après 60 ans de carrière, a dû quitter la scène il y a six mois, offrant son instrument à un artiste qu'il respecte beaucoup, Mohamed Sellami. Ancien chauffeur d'ambulance, le cheikh a décidé de quitter la musique pour «laisser la place aux jeunes», nous a-t-il dit. Ali Benaïssate Venu de Douéra, cheikh Ali Benaïssat a voulu suivre le parcours des machaikh de Koléa et même de sa localité Douéra à l'image du grand artiste chanteur chaabi Ali Boudjellal auquel il écrit des k'cid. Ce jeune chercheur en musique, résidant en Belgique, suit les musiciens. «Je suis spécialiste dans les comportements.» Il nous a fait part de son grand point d'interrogation sur le sort du chaabi et le melhoun ainsi que leurs sources. Pessimiste il estime que la musique chaabie qui a pu résister des siècles, est en voie de disparition par rapport à l'utilisation des instruments de musique. «La musique chaabie est très retreinte actuellement. On avait par exemple la ‘gesba' de cheikh el-Djillali. Mais les paroles sont plus fortes par rapport au niveau de certains chanteurs», a-t-il constaté. Sur les hommages rendus aux musiciens et artistes, le chercheur applaudit l'initiative du président de la commune et des autorités locales. «On souhaite avoir beaucoup de maires comme celui de Koléa qui se rappelle les artistes de sa localité.» Ali Boudjellal : un artiste pas comme les autres Atout n Sa particularité fait de lui un chanteur de haut niveau car il chante le k'cid du patrimoine qui n'a jamais été chanté par d'autres. Cheikh Ali Boudjellal,le cheikh chaabi de Douera est, lui aussi, chercheur dans le k'cid du patrimoine. Il a commencé à chanter dans les années 70 avec cheikh Mohamed Marocaine et Ali Lounaoussi. Issu d'une famille d'artistes, chanteurs et musiciens, ce chanteur nous dit qu'il a cet art dans ses tripes. «Nous étions très bien structurés à l'époque de la J-FLN avec une bande d'amis très organisés. Et les cheikhs nous ont inculqué le vrai sens de la musique chaabie.» Ali Boudjellal se félicite de pouvoir chanter des textes trouvés grâce à ses recherches principalement prises à leurs sources comme Mostaganem, Mohammadia et Relizane. «J'ai surtout aussi pris mes textes du fief du k'cid dans la localité de Mazouna, principalement de Sidi Lakhdar Benkhlouf et Kaddour El Alami», nous a-t-il révélé remerciant son ami chercheur spécialisé dans le k'cid à Alger,Yacine Fertas. Notre artiste regroupe beaucoup de k'cid dont les plus anciennes sont celles de Sidi Lakhdar Benkhlouf et El-Mendassi avec leur biographie. Pour le moment, notre artiste ne compte dans son répertoire que des albums de fêtes. Par ailleurs, il veut que le patrimoine immatériel puisse être laissé aux génération sfutures. Il s'interroge sur le rôle des médias lourds. «Est-ce nous qui devons solliciter la radio et la TV pour garder des enregistrements de ce patrimoine ou c'est à eux de solliciter les artistes pour prendre d'eux les fruits de leurs recherches et collaborer ainsi dans la préservation de ce patrimoine. Un effort considérable devrait être fait dans ce sens», dit-il, tout en se montrant pessimiste par rapport à l'avenir du chaabi où il voit que ses artistes se comptent sur les doigts d'une main comme c'est le cas pour le chant et l'artiste sahraouis qui commence à disparaître à l'exemple de Khelifi Ahmed. Il ne veut pas que cet art disparaisse. Avant de nous informer de son prochain album qui sera enregistré en hiver, M. Boudjellal plaide pour un espace, un club qui regrouperait les artistes. Applaudissant cette initiative quant aux hommages, notre artiste a insisté pour dire : «Je ne pense pas qu'il existe en Algérie un P/APC qui, à longueur d'année, tienne à rendre hommage aux artistes de sa commune.» Selon le témoignage du chercheur Ali Benaïssate, Cheikh Boudjellal ne chante que le k'cid peu connu. «Il est en train de sillonner le pays avec plus de 500 k'cid''du patrimoine immatériel de Nedjar, Bensahla,Benkhlouf, Maghraoui, les deux Kaddour El Alami ainsi que ceux d'artistes contemporains comme Elhadj El-Daghfali. Cheikh Dahmane Aïssaoui Connu sous le nom de «cheikh lechiakh», Cheikh Dahmane Aïssaoui est venu voir ses élèves sur scène. Cet artiste chaabi de 70 ans s'est imposé depuis 1958 par son nom qui a été vite reconnu à l'échelle nationale et maghrébine. Ce chanteur et compositeur est également poète et chercheur, producteur et animateur radio et TV. Actuellement, il anime, avec Amina Ziri, l'émission télévisée ‘El-Gaâda'. Notre artiste qui a malheureusement quitté le domaine du chant suite à des problèmes de santé en 1969,s'est complètement dévoué à la recherche au point de devenir pour beaucoup d'artistes, la source du k'cid. Sur la situation du chaabi en Algérie, notre chercheur a tenu à nous brosser un tableau de la situation artistique durant la décennie noire «qui a failli pratiquement détruire le chaabi. Mais grâce aux hommes et aux activités, toutes sources confondues, le chaabi a pu voir sa relance. Avec cette prise de conscience par l'Etat (ministère de la Culture), le chaabi a retrouvé sa place», nous a-t-il dit se félicitant que cet art soit aujourd'hui réparti aux quatre coins du pays alors qu'il fut un temps où il était limité uniquement à l'Algérois. Cheikh lechiakh est membre du jury du Festival national de la chanson chaabie prévu à l'Opéra d'Alger du 17 au 23 du mois en cours et dont le commissaire est Abdelkader Bendaamache .Lors de ce festival, il y aura une trentaine de finalistes. Il nous a appris que cette activité d'envergure sera dédiée à trois grands artistes à titre posthume, à savoir Imensourène, Abdelkader Guessoum et Abdallah Guettaf. Enfin notre artiste revendique le statut de l'artiste. «On voudrait voir la mise à jour de ce statut qui permettra de s'adonner beaucoup plus à cet art qui certainement retrouvera son pinacle.» «L'artiste a toujours été comme la bougie qui se consume pour éclairer les autres», conclut-il. El-hadj Abdelkader Louda Vendredi prochain, ce sera au tour du cheikh Abdelkader Louda de bénéficier, pour la 1re fois, d'un hommage de la part de sa commune. Cet expert de l'instrument musical traditionnel la derbouka, nous a fait part de sa satisfaction de cette initiative. Cheikh Abdelkader Louda a malheureusement quitté la musique depuis la disparition du cheikh M'hamed Bourahla avec lequel il avait beaucoup travaillé et appris. Il avait pourtant très bien débuté avec son cousin chanteur Cheikh Abdelouahab Louda avec lequel il avait remporté dans les années 60 le 1er prix à la salle Ibn Khaldoun (Alger), pour représenter au mois de juillet 1965, l'Algérie dans un festival international qui devait se dérouler à Alger «mais suite à la conjoncture de l'époque et plus précisément à cause du renversement de juin 65, ce festival n'avait pas eu lieu», nous a dit Cheikh Abdelkader. Notre interlocuteur a travaillé avec beaucoup de sommités artistiques dont les Cheikh Benouda, El-Houati, El-Achab et Ammar Ezzahi. Actuellement, il fait des recherches sur l'histoire du genre hawzi depuis sa source à nos jours. «Le hawzi a été créé par cheikh Saïd El Mendassi et d'autres poètes comme Bentriki et les Bensahla père et fils (Boumedienne et Mohamed)». «Je fais également de la recherche sur la tarika soufia en particulier la branche aïsssaoua du cheikh Sidi M'hamed Benaissaeikh dit El-kamel, enterré actuellement à Meknes (Maroc)», nous a-t-il appris. Cheikh Mohamed Halim Toubal Poète entre le chaabi et le k'cid, Cheikh Mohamed Halim Toubal est venu de Médéa en tant qu'invité. Il est chercheur en poésie populaire. Il a deux importants ouvrages qui comptent parmi une série de 6 tomes sur la recherche dans le domaine de la poésie populaire, «le fruit de 25 ans de recherche», nous a-t-il appris. Ce recueil est intitulé ‘Rahik el machoum fi kiouss el mandoum'. Les 4 autres ouvrages seront au fur et à mesure édités selon notre interlocuteur. Le 1er ouvrage est le 1er dictionnaire en Algérie sur le langage du chaabi intitulé ‘Moundjid el-malhoun'. Il a été édité en juin 2010 en langue arabe. Connu par ses k'cid, le poète et chercheur nous parle des k'cid les plus repris par les artistes. A savoir ‘Ya taleb' et ‘El djafi' par Abderrahmane El Koubbi, 'Marboua el gad', ‘Allahouma salli al Ezzaki el moukhtar' et ‘Sallou ala El moubachir' par Abdelouhab Lounissi. Sestextes sont également chantés par Djamel Chaib d'Alger et l'artiste marocaine Madjda El-Yahiaoui. Toubal a, à son répertoire, plus de 200 k'cid écrits depuis les années 80.Un autre ouvrage, lui, est paru au mois de mai 2011.Il compte 72 k'cid de m'chaikh ainsi que des études académiques qui parlent des ‘lettres abadjades, serareb et el braoual'. Le 2e tome est intitulé ‘Diwan Lerkhakh fi tarzi Lensakh'. Un 3e tome sera édité au courant de l'année prochaine selon notre poète.