Tendance La cinématographie argentine, celle conçue par la jeune génération, offre au public une nouvelle approche de cette société, plus réaliste et plus directe. Les journées de la cinématographie argentine se sont poursuivies, mardi, au Centre culturel espagnol (Cervantès) à Alger. Pour cette troisième journée, il y eut la projection d?un long-métrage, La Ciénaga (le marécage), un film réalisé par Lucrécia Martel. L?histoire se déroule en été, dans les marécages du nord-ouest de l?Argentine. Le film s?ouvre sur une maison, au bord de la piscine. C?est une propriété rurale, un lieu de rencontre où toute la famille se retrouve pour les vacances. Mécha aime passer l?été avec ses enfants. Elle reçoit sa cousine, Tali, et ses enfants. Toutes les deux envisagent d?aller pour quelques jours en Bolivie? Mécha est le personnage principal ; c?est autour d?elle que viennent se greffer les autres, que s?organisent les scènes et se raconte l?histoire. Le mari de Mécha, qui fait de brèves apparitions, est quasi inexistant, car il est absent dans la conscience de sa femme. Les deux ne se parlent pas, parce qu?ils n?ont rien à se dire, plus rien à se dire. Ils ne s?entendent plus. Il y a, en effet, une indifférence affichée par la femme à l?égard de son mari, et c?est une attitude réciproque : lorsque Mécha a un accident, son mari ne s?en soucie guère. Alors que sa femme perd son sang, emmenée d?urgence à l?hôpital, lui se met devant le miroir et commence à se coiffer. Plus tard, au milieu du film, Mécha demande à son mari d?aller s?installer ailleurs, dans une autre chambre. L?on assiste alors à une première séparation. Le film décrit des relations conjugales qui s?effilochent progressivement, au fil de l?histoire. La Ciénaga raconte une famille bourgeoise de la société argentine, à la fois divisée et unie. Il traite des relations que les uns ont avec les autres au sein d?une même famille, relations familiales parfois tendues, parfois relâchées, tantôt tristes, tantôt gaies. Le film aborde, en outre, du rapport entre les Blancs et la population indigène, les Indiens. Il s?agit de rapports dominant / dominé. Mécha ne cesse de traiter ses domestiques, des Indiens, de sauvages, de barbares. Le film est conçu avec subtilité et intelligence, et également avec beaucoup de spontanéité. Le public ressent une franchise fraîche dans le jeu des comédiens qui arrivent à accrocher l?attention, à toucher notre sensibilité. Les personnages, vrais et d?un ordinaire saillant, se distinguent par un naturel efficace, ce qui donne d?emblée au film plus de crédibilité et de sincérité. Les personnages sont drôles, efficaces et revêtent tous une certaine manière d?être. Chacun existe selon sa psychologie, son tempérament du moment. Par ailleurs, La Ciénaga est marqué par l?humour et la sympathie, mais le film est aussi chargé de scènes pathétiques ; il est traversé de traits sombres, d?un souffle pessimiste, puisqu?un enfant, en escaladant l?échelle, tombe et succombe à sa chute. La Ciénaga, doux, calme et qui s?écoule au rythme d?un fleuve tranquille, traduit un climat humide, des expressions nonchalantes, des attitudes conflictuelles, sans trop de mouvements ou d?actions trépidantes ; il décrit une ambiance «marécageuse», où les relations conjugales s?enlisent, où chacun se voit aspiré par les imprévus, par l?instant présent. C?est aussi un film plein de tonalité, chargé de musicalité latine ; c?est un discours narratif aéré, simple, léger. La Ciénaga montre un cinéma argentin plus concret, plus chaleureux, chargé d?émotions et de spontanéité.