Plus de 2 000 médecins spécialistes ont déserté dernièrement les hôpitaux pour rejoindre le secteur privé pour certains, l'étranger pour d'autres. Ils n'en peuvent plus de continuer à exercer dans les mêmes conditions déplorables et sont déçus de voir que l'accord conclu avec la tutelle en mai dernier n'a pas été mis en application. Et ceux qui restent n'excluent pas de renouer avec la grève pour se faire entendre. Ce chiffre effarant a été avancé, hier, par le Dr Mohamed Yousfi, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (Snpssp) lors d'une conférence de presse, au siège national du syndicat à Alger. Selon le Dr Yousfi, de très nombreux établissements de santé publique se sont retrouvés complètement vidés à cause du départ de plusieurs milliers de spécialistes pour des postes plus avantageux proposés par d'autres secteurs, à l'instar du privé et de l'enseignement supérieur. Nombre d'entre eux ont carrément quitté le pays pour faire le bonheur des étrangers en Europe, aux USA, dans les pays du Golfe et récemment dans des pays anglo-saxons, comme le Canada et l'Australie, où le statut d'un cadre de ce rang est valorisé convenablement. «On a ouvert 1 500 postes aux postulants au grade de maître-assistant, maître de conférences et professeur dans les CHU pour remplacer ceux qui sont partis», a-t-il rappelé. Conséquence : le droit du citoyen algérien aux soins spécialisés est complètement réduit à néant, surtout lorsqu'on sait que d'autres problèmes surgissent dans le secteur de la santé, comme le manque de médicament et la gestion catastrophique caractérisant nos hôpitaux. Détaillant ce constat amer, le président du Snpssp révèle que sur un total de 8 000 spécialistes exerçant au sein de nos structures médicales publiques, il y a moins de 300 spécialistes ayant plus de 20 ans d'expérience, soit 5% seulement de l'effectif global. «Ce qui n'est pas le cas dans d'autres secteurs», souligne-t-il tout en rappelant le rôle de ces derniers dans la prise en charge des jeunes spécialistes, compte tenu de leur expérience et de leur compétence avérée. Pis, poursuit-il, il y a moins de 15% de médecins spécialistes ayant plus de 10 ans d'expérience. C'est dire, enchaîne-t-il, que l'écrasante majorité de cette catégorie est composée de jeunes manquant d'expérience et surtout de formation de base. Une telle situation mettra, sans doute, en péril la qualité de soins spécialisés dans notre pays. Ce fléau existait déjà auparavant à cause des conditions «défavorables» de ce corps, d'une extrême importance dans la santé publique. Cependant, il s'est accentué ces derniers mois à cause de la non-application de l'accord conclu avec le ministère de la Santé, au mois de mai dernier et sur lequel les médecins spécialistes ont mis beaucoup d'espoir quant à la revalorisation de leur métier, et ce, après un mouvement de grève qui a duré, rappelons-le, plusieurs mois. «Ce n'est pas avec un régime indemnitaire aussi maigre que nous allons améliorer les conditions de nos spécialistes», s'est-il indigné en interpellant les pouvoirs publics, à leur tête le ministre de la Santé, à étudier sérieusement ces amendements avec le partenaire social, et ce, conformément aux directives mêmes du président de la République allant dans ce sens. «Je ne comprends pas qu'est-ce qui fait attendre notre tutelle pour demander l'étude de l'amendement du statut concernant les spécialistes de la santé !», s'est-il étonné, en donnant l'exemple du secteur de l'éducation où les travailleurs ont déjà bénéficié de cette mesure pourtant applicable à tous les secteurs ! Djamal Djenane