Résumé de la 5e partie - A présent, c'est au tour de la seconde souris de raconter son aventure... Elles se divisent en supérieures et en inférieures ; le rang est marqué par un numéro d'ordre ; la reine porte le numéro un. Son opinion est la seule vraie ; elle possède infuse la quintessence de la sagesse. C'était de la plus haute importance pour moi ; il ne s'agissait plus que de reconnaître la reine au milieu de ces milliers de petites bêtes. J'entendis rapporter plusieurs propos la concernant, qui témoignaient en effet d'une raison supérieure ; car ils apparurent absurdes à ma pauvre cervelle. Elle prétendait que sa fourmilière était ce qu'il y avait de plus élevé dans ce monde. Cependant, tout à côté se trouvait un arbre qui dépassait la fourmilière d'une centaine de pieds ; mais on n'en parlait jamais et, comme les fourmis sont aveugles, le dire de la reine passait pour la vérité même. Un soir, une fourmi égarée se mit à grimper sur l'arbre et, sans monter jusqu'à la cime, parvint cependant plus haut qu'aucune de ses sœurs n'était jamais montée. Lorsqu'elle fut de retour, elle parla de son ascension, et déclara que l'arbre lui semblait bien plus élevé que la fourmilière ; cela fut regardé comme une offense à l'honneur de la communauté, et la pauvre fourmi se vit condamnée aux travaux les plus pénibles, tels que charrier les insectes morts, etc. Mais quelque temps après, une autre fourmi se fourvoya également sur l'arbre. Rentrée au bercail, elle parla de son excursion avec prudence et amphibologie, laissant cependant deviner, à qui voulait comprendre, que l'arbre était plus haut que la fourmilière. Comme elle était très considérée, qu'elle était une des dignitaires de la cour, loin de la persécuter comme la première, on plaça sur sa tombe, lorsqu'elle mourut, une coquille d'œuf en guise de monument, pour éterniser le souvenir de son courage et de sa science. Avec tout cela, je n'avais pu encore découvrir la reine, et j'étais toujours en observation. Je remarquai que les fourmis portaient de temps en temps leurs œufs à l'air pour les mettre au soleil. Un jour j'en vis une qui ne pouvait plus ramasser son œuf pour le rentrer. Deux autres accoururent pour l'aider ; mais elles étaient elles-mêmes chargées chacune d'un œuf ; en secourant leur compagne, elles faillirent laisser tomber leur fardeau. Aussitôt elles s'en furent, laissant la pauvrette dans l'embarras. Voilà qui est bien agi, c'est la sagesse même, entendis-je une voix s'écrier ; chacun est son plus proche prochain. Nous autres fourmis, nous ne nous y trompons jamais ; nous naissons toutes raisonnables. Cependant, parmi nous toutes, c'est moi qui ai la plus haute raison. A ces mots je vis, au milieu de la foule qui grouillait, une fourmi se dresser orgueilleusement sur ses pattes de derrière. Il n'y avait pas à s'y tromper, c'était la reine. Je la happai d'un coup de langue et je l'avalai. Je possédais donc la sagesse et l'intelligence. (A suivre...)