Alger Une histoire de querelle entre voisines qui se termine presque dans de grands éclats de rire? Lorsque l?on assiste à une audience, c?est généralement dans une ambiance dramatique et lugubre. En cette journée d?avril 2004, il y a comme un air de fête dans l?une des salles du tribunal correctionnel de Sidi-M?hamed, et pardi, ça change ! Dans le box des accusés, une jeune femme au regard triste lance en soupirant : «Je n?ai pas agressé ma voisine? Le seul tort que je lui ai causé est d?avoir arrosé ses draps à partir de mon balcon. ? L?avez-vous fait exprès ? ? Bien sûr que non ! Je n?ai rien contre elle. C?est elle qui me persécute et désire à tout prix m?envoyer derrière les barreaux !» A ce moment-là, la victime, en l?occurrence Fatiha, entre en scène et suscite de grands éclats de rire dans la salle, au grand dam de Mme Saïda Benamara, qui tente tant bien que mal de calmer les unes et les autres : «Sale menteuse ! Tu as fait exprès de mouiller mes draps à grande eau ! Tu me détestes et tu vas le payer très cher?» L?accusée, Louisa, ne bronche pas. Bien au contraire, elle continue de fixer l?assistance d?un air penaud : «Non ! Tu n?es pas gentille, chère voisine?» Et c?est reparti pour une ambiance de fête foraine. Les faits de cette affaire pour laquelle comparaissent Fatiha et Louisa remontent aux dernières feuilles mortes de l?an 2003? Après une plainte déposée par la famille K. contre la famille T., les services de police se sont déplacés sur les lieux et ont procédé à l?arrestation de deux jeunes hommes armés de barres de fer et de couteaux. Pour leur défense, ces derniers font un drôle d?aveu : «Nous ne sommes pas concernés par la querelle. C?est pas nous que vous devez arrêter, mais nos deux proches, Fatiha et Louisa. Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux, nous les avons surprises en train de se quereller et de se menacer à coups de couteau. Pour éviter le pire, nous les avons alors désarmées des objets dangereux qu?elles maniaient !» Quelques minutes plus tard, les deux concernées sont arrêtées par les services de police. Au cours de l?audience, l?une et l?autre se rejettent la faute. «C?est elle qui a arrosé mes draps. Ensuite, elle m?a malmenée en me tirant par les cheveux et m?a menacée à l?aide d?un couteau. ? Non ! C?est elle qui veut ma perte !» Et chacune y va de sa version, suscitant des éclats de rire dans la salle archi-comble. Le procureur de la république, qui a du mal à réprimer un franc sourire, requiert une peine de six mois de prison à l?encontre de Louisa et d?un mois avec sursis à l?encontre de Fatiha. Au terme des délibérations, les deux jeunes femmes sont condamnées à verser une amende de 5 000 dinars chacune? Pour une fois, personne n?ira en prison, mais l?ambiance de ce procès méritait de figurer dans nos colonnes !