Peur - La maison est en partie en ruine et la porte est si vermoulue, qu'un fauve pourrait l'abattre d'un coup de patte et entrer. Autrefois, il y a de cela longtemps, un village perdu dans la montagne était terrorisé par les fauves, des lions, qui, l'hiver, quand ils étaient chassés par la neige, descendaient jusque dans les villages où ils semaient la terreur. Ils s'attaquaient aux personnes isolées et secouaient les vieilles portes. Mais pire que les fauves, il y avait les ogres qui, eux aussi, friands de chair humaine, font parfois des incursions… Ce soir-là, on se prépare à passer la nuit. Les habitants se sont cloîtrés chez eux dès la tombée de la nuit. Ici, la plupart des habitants possèdent un ou plusieurs fusils, seul moyen de repousser les fauves. Ceux qui, en raison de leur pauvreté, n'ont pas d'armes, allument des feux et tiennent toujours un tison à leur portée. C'est le cas de cette pauvre veuve et de ses cinq enfants, dont l'aînée, Aïcha, est une belle jeune fille. La maison est en partie en ruine et la porte est si vermoulue, qu'un fauve pourrait l'abattre d'un coup de patte et entrer. — Aïcha, demande la mère, as-tu bien fermé la porte ? — Oui, mère. — Tu as bien mis la barre qui la ferme ? — Oui ! La jeune fille soupire. — Il faudrait qu'on songe, un jour, à remplacer cette porte ! — Hélas, nous n'en avons pas les moyens ! Elle se plaint. — Ah, si ton père était en vie… il couperait un cèdre et taillerait une porte solide… Et si seulement tes frères n'étaient pas jeunes, ils l'auraient fait à sa place ! Et elle se met à pleurer. — Ne pleure pas, mère… — Nous sommes à la merci des fauves ! — Dieu nous en a toujours préservés… — Mais jusqu'à quand... ? Comme les flammes du foyer commencent à baisser, la mère se lève précipitamment. — Nous bavardons alors que le feu menace de s'éteindre… Elle prend des bûches et les jette dans le foyer. — Il faut éviter qu'il ne s'éteigne ! — J'y veillerai… — Mets-toi au lit, avec tes frères… — c'est à toi de dormir… Tu es épuisée par le travail, moi, je veillerai… La mère n'est pas rassurée. — Et si le sommeil te prend ? — N'aie crainte, il ne me prendra pas ! — D'accord, je vais dormir, mais tu me réveilleras, toi aussi, tu as besoin de dormir ! Elle se met au lit, au milieu de ses petits. La maison ne comprend, en fait, qu'une pièce où on prépare à manger et où on dort. (A suivre...)