Moqueries - Ce jour-là, le bossu aimable va au marché, y achète des friandises, une serviette, tout le nécessaire de toilette et se rend au hammam. Autrefois, il y a de cela longtemps, vivaient dans une ville deux bossus. Ils étaient tous les deux commerçants et possédaient des boutiques mitoyennes, ce qui fait qu'ils se connaissaient bien. Cependant, alors que l'un des bossus était aimable et se comportait amicalement avec tout le monde, clients et voisins, l'autre était plutôt grognon et passait son temps à se plaindre et à critiquer son voisin «Toi, lui dit son compagnon aimable, tu devrais te comporter plus gentiment avec les clients, certains pourraient se fâcher en entendant tes remarques désobligeantes et ne plus revenir chez toi !» Mais le bossu grognon se contentait, à chaque remarque, de hausser les épaules : — Eh bien, ils n'ont qu'à aller ailleurs ! — Mais tu perdras des clients ! — Toi, tu les accueilleras, avec tes sourires ! Le bossu aimable est déconcerté par de tels propos, mais il ne fait rien qui agace encore plus son compagnon. Ce jour-là, le bossu aimable est allé au marché, y a acheté des friandises, une serviette, tout le nécessaire de toilette et se rend au hammam. Le tenancier qui le voit arriver se moque de lui. — Holà bossu, tu viens te faire beau ? Le bossu, habitué à ces sarcasmes, se contente de sourire. Le tenancier continue : — Peut-être vas-tu te marier ! Nouveau sourire du bossu. — Elle est jolie, ta fiancée ? Puis le tenancier éclate de rire : — Ah, je vois, elle doit être comme toi : une bosse dans le dos ! Allez, tu ne veux pas me répondre, mon ami ? Le bossu n'a que cette réponse : — je suis venu me laver. — Tu sais qu'il faut d'abord payer ! Et il tire des pièces de sa poche. — Ceci pour le bain et ceci pour te remercier de ton accueil : Le tenancier change de ton : — Voilà, voilà, je te conduis dans une cabine… la meilleure qui soit ! Mais le bossu répond : — Je veux seulement me laver en paix et grignoter mes friandises ! Le tenancier s'en va. Le bossu s'installe, se déshabille, puis se lave. Quand il a fini, il déballe ses friandises et se met à les déguster. Or, le hammam, comme la plupart des hammams, est hanté. Voilà qu'un afrit (un génie malicieux) l'aperçoit. — Tiens, se dit-il, ce bossu est tout joyeux, et pourtant il est loin d'être beau avec sa bosse qui le tient toujours courbé ! (A suivre...)