Débat - Une journée d'information sur la silicose, maladie à laquelle s'exposent les tailleurs de pierres, a été organisée hier, vendredi, par l'APC de Makouda à Tala Bouzrou dans la wilaya de Tizi Ouzou . La structuration et l'organisation des tailleurs de pierres ainsi que leur sensibilisation sur la dangerosité du métier qu'ils exercent ont été la préoccupation principale des participants à cette rencontre. Une étude sur les tailleurs de pierres de la wilaya de Tizi Ouzou a été présentée par le Dr Hamiche, pneumologue à l'unité Belloua du CHU de Tizi Ouzou, qui a fait état de six cas de décès parmi les tailleurs de pierres depuis 2007 des suites d'une silicose aiguë contractée au bout de 5 ans d'activité. La silicose est une maladie mortelle, irréversible, qui continue d'évoluer chez le malade même après l'arrêt de l'activité et dont le seul traitement est la transplantation pulmonaire, une opération lourde qui n'est pas encore pratiquée en Algérie. Selon la même étude, le service de pneumologie de Belloua a traité, entre 2007 et 2010, 30 cas de malades atteints de silicose dont 17 sont des tailleurs de pierres, hospitalisés à un stade avancé de la maladie. Ces patients dont la moyenne d'âge est de 38 ans (le plus jeune est âgé de 26 ans), sont principalement originaires de Tala Bouzrou (région de Tigzirt) avec 9 cas et d'Azazga où 7 malades ont été recensés. Le dernier cas est de Aïn El-Hammam. Le nombre de tailleurs de pierres atteints de silicose entre 2004 et 2008 était de 13. «Cette maladie a endeuillé deux fois la famille Aliane, de Tala Bouzrou, en emportant d'abord Hocine, en 2009, puis son frère Amar, mort le 26 mai dernier laissant une femme et quatre enfants», déplore le Dr Hamiche, qui mettra en garde contre les «inhalateurs passifs» de poussière de silicose lorsque la taille de la pierre se fait à proximité ou dans les cours des habitations. Conscients de la gravité de la maladie à laquelle ils s'exposent, les tailleurs de Tala Bouzrou, qui ont apporté leurs témoignages lors de cette rencontre, ont déclaré qu'ils essayent de se protéger avec des masques de fortune, parfois des foulards mouillés avec lesquels ils se couvrent la bouche et le nez. D'autres avouent n'utiliser aucune protection. «Je ne supporte pas le masque, cela m'étouffe», informe un jeune artisan. Outre la mauvaise ou l'absence de protection, le Dr Hamiche a relevé que le matériel utilisé «est souvent issu de la contrefaçon» et que la scie de la tronçonneuse, «peut contenir des produits nocifs libérés lorsque celle-ci chauffe», des composants «qui sont inhalés en même temps que la poussière de silice». «Il est urgent de diligenter une enquête pour déterminer exactement l'ampleur du problème, les chiffres avancés dans l'étude étant loin de refléter la réalité», dira cette spécialiste qui préconise la multiplication des compagnes de sensibilisation, le contrôle des lieux de travail et la lutte contre les chantiers anarchiques, «pour faire face à ce problème de santé publique». Le Dr Hamiche a affirmé que si les tailleurs de pierres de la daïra de Tigzirt exercent pour leur propre compte, ceux de la région d'Azazga «travaillent pour des employeurs qui ne leur assurent ni protection ni une déclaration à la sécurité sociale». Avec le prix attractif de la pierre taillée qui coûte plus de 3 000 DA le m2 pour la pierre brute et plus de 5 000 DA pour la pierre décorative, et la baisse des prix du matériel de taille, qui est de 70 000 DA la tronçonneuse et 12 000 DA la scie (il y a dix ans ces prix étaient respectivement de 200 000 et 30 000 DA) , d'autres foyers de taille de pierre paraissent en Kabylie comme à Aït Rhouna dans la daïra d'Azeffoun, informe un artisan de Tala Bouzrou qui dira qu'« il est difficile de demander à ces jeunes d'arrêter pour se retrouver sans emploi».