Tardive mais d'une importance capitale. C'est le moins que l'on puisse dire à propos de la journée de sensibilisation organisée, hier, au village Tala Bouzrou, dans la commune de Makouda, au nord de Tizi Ouzou, sur la silicose, cette maladie pulmonaire incurable provoquée par l'inhalation de particules de poussières de silice (silice cristalline) dans les mines, les carrières, les percements de tunnels ou les chantiers du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Si, aujourd'hui, tant de personnes arrivent à décorer les façades de leurs demeures avec des pierres taillées par des mains de maîtres, il est utile de savoir que ceux qui taillent ces pierres le font au détriment de leur santé, parfois au prix de leur vie. Ils meurent nombreux, les poumons rongés par cette faucheuse silencieuse. La journée de sensibilisation organisée hier au niveau de l'école primaire du village Tala Bouzrou (azrou veut dire pierre), conjointement par l'APC de Makouda et en collaboration avec le secteur sanitaire d'Ouaguenoun, se veut le début d'une autre ère pour ces jeunes qui sont continuellement exposés à cette maladie. Eux qui, ravagés par un chômage endémique, se sont tournés vers la taille de la pierre dont regorge cette région pour gagner leur pain et celui de leurs familles respectives. En plus du site de Tala Bouzrou, la wilaya de Tizi Ouzou compte deux autres sites où l'on s'adonne à la taille de la pierre. Il s'agit de ceux d'Ath R'houna, dans la commune d'Azeffoun et de Yakourène. A Batna, le site le plus connu est celui de T'kout où cette activité est pratiquée à grande échelle. Là, et selon des statistiques, la silicose a déjà fait plusieurs victimes parmi les quelques 1200 tailleurs de pierre recensés dans cette contrée des plus pauvres de la région. La moitié des personnes qui ont taillé de la pierre sont aujourd'hui mortes. Selon les chiffres communiqués par le Dr Hamiche, du CHU de Tizi Ouzou, il a été enregistré dans la wilaya de Tizi Ouzou pour la période allant de 2007 à 2010, une trentaine de cas, dont 7 à Azazga et à Yakourène, 9 à Tala Bouzrou et un cas à Aïn El Hammam. Le conférencier ajoutera que jusqu'à ce jour, 6 décès sont à déplorer. Pour la région de Batna, un représentant de T'kout donnera pour sa part des chiffres qui donnent froid dans le dos. Il informera que depuis 2004, il a été enregistré 76 décès et 300 malades, dont 5 cas graves. La moyenne des décès enregistrés dans cette région varie entre 8 à 10 cas chaque année et la tranche d'âge varie de 20 ans à 35 ans. Sur le nombre global de décès, 12 sont des pères de famille. Des témoignages poignants Le site de Tala Bouzrou a enregistré une dizaine de décès durant ces dix dernières années et nombreux sont ceux qui sont atteints de cette maladie. C'est pourquoi les médecins spécialistes ayant pris part à cette journée ont tenu à donner des conseils aux jeunes tailleurs de pierre afin qu'ils se protègent contre les effets ravageurs de la silicose. Ces jeunes aujourd'hui peuvent contracter des assurances et surtout éviter l'utilisation de la tronçonneuse qui est mise à l'index dans la progression de la maladie. Depuis l'introduction de cet outil qui a remplacé le burin, les tailleurs contractent la maladie de la silicose au bout de cinq années seulement. Des témoignages poignants ont été apportés par des personnes atteintes, notamment par celles qui sont venues spécialement de T'kout pour participer à cette journée. Il est à signaler aussi que cette journée a été marquée par une exposition sur les risques et les précautions à prendre pour stopper cette maladie, la projection d'un film documentaire réalisé sur le site du village par un jeune de Tala Bouzrou et une campagne de vulgarisation à l'endroit des artisans sur les opportunités qu'offrent les divers dispositifs d'aide à l'emploi, notamment l'Ansej, Angem et Cnac, pour pouvoir s'équiper de moyens de protection et de production.