«Votre attention, s'il vous plaît. Le petit James, deux ans et demi, s'est perdu. Il porte un anorak bleu, un survêtement gris, des baskets blanches. Il a les cheveux blonds. Sa maman l'attend à l'accueil. Voilà ce qu'entendent, ce vendredi 12 février 1993 au milieu de l'après-midi, les clients qui font leurs courses dans le supermarché du Strand, un centre commercial ultramoderne du quartier populaire de Bootle, à Liverpool. A l'accueil, une jeune femme de vingt-cinq ans, Denise Bulger, se tient près de l'hôtesse qui vient de dire l'annonce et d'un des responsables du magasin. Ce dernier lui sourit. — On va forcément vous ramener votre petit garçon... Il en a vu d'autres, le responsable du magasin. Des disparitions d'enfants, il s'en est produit des dizaines depuis qu'il est à ce poste et ils sont tous revenus rapidement. Mais cela n'empêche pas Denise Bulger d'être inquiète, comme toutes les mamans. — Je ne comprends pas ! J'étais au rayon boucherie et quand je me suis retournée, James n'était plus là. — Le supermarché est grand, et puis il y a le reste du centre. — Mais j'ai cherché partout, j'ai fait toutes les boutiques… L'hôtesse s'empare de nouveau du micro : — Votre attention, s'il vous plaît. Le petit James, deux ans et demi... 17 heures. Cela fait maintenant une heure que le message est diffusé régulièrement sans le moindre résultat. Le responsable du magasin a perdu son assurance du début. Il est même devenu très soucieux. — Je vais prévenir la police. Voulez-vous contacter votre mari ? Denise Bulger fait un signe de tête affirmatif et appelle à son travail Ralph Bulger. — James a disparu pendant que je faisais mes courses. Viens vite ! Dès qu'ils sont sur les lieux, les policiers examinent les enregistrements vidéo. Le supermarché est, en effet, ainsi que tout le centre commercial, sous la surveillance de caméras placées un peu partout... Ils n'ont pas de mal à découvrir James Bulger avec sa mère au rayon boucherie. A 15h 37 précises - car l'heure apparaît en incrustation sur les images -, on le voit s'éloigner seul et se diriger vers l'escalator. A 15h 41, une autre caméra le repère à l'étage au-dessus. Un enfant d'une dizaine d'années s'approche de lui, lui dit quelque chose et le prend par la main. Ils disparaissent ensemble et, à 15h 43, une troisième caméra les capte à la sortie du magasin. Ils sont à présent trois. Un autre enfant, du même âge que le précédent, les a rejoints. Ils sont l'un et l'autre correctement habillés. Le premier porte un anorak gris, le second une veste sombre ; leurs cheveux sont coupés court. Denise Bulger a un soupir de soulagement en direction de son mari : — Si ce sont des enfants, ce n'est pas grave. Il ont dû vouloir aller jouer... Ralph Bulger acquiesce. Les policiers et le responsable du supermarché aussi. Ils sont du même avis. Que penser d'autre ? 20 heures. Le couple Bulger a quitté le centre commercial pour le bureau du commissaire Albert Kirby, qui a pris les choses en main. C'est que la situation est grave : pas la moindre piste, pas le moindre indice. Mais il va peut-être y avoir du nouveau, car c'est l'heure du journal télévisé et l'information est annoncée en ouverture. La photo de James Bulger est montrée au public, tandis que le présentateur donne le numéro du commissariat. Le résultat ne tarde pas : le téléphone sonne. C'est une vieille dame. — J'ai vu cet enfant dans l'après-midi, près du réservoir de Breeze Hill où je promenais mon chien. Il était avec deux jeunes garçons et il pleurait. J'ai demandé ce qu'il se passait. Un des gosses m'a répondu que le petit s'était perdu et qu'ils cherchaient le chemin du commissariat. Je leur ai montré la direction. (A suivre...)