Tension - Des heurts entre manifestants et policiers ont fait au moins cinq morts et des dizaines de blessés, hier, au premier jour d'une grève générale. Cette grogne sociale, qui a paralysé le pays pour protester contre une brutale hausse du prix du carburant, intervient sur fond de tensions politico-religieuses qui font craindre une escalade des violences entre musulmans et chrétiens qui peuplent, à parts égales, le pays le plus peuplé d'Afrique. Hier, des manifestants ont tenté d'incendier une mosquée dans le sud à majorité chrétienne. Les heurts les plus violents se sont produits à Kano, la métropole du Nord à dominante musulmane, où deux personnes ont été tuées par balles et une trentaine d'autres blessées, selon un responsable hospitalier. Suite à ces incidents, les autorités locales ont décrété un couvre-feu nocturne dans la ville, de 18h 00 à 8h 00. Depuis les sanglants attentats du jour de Noël qui avaient fait au moins 49 morts, six nouvelles attaques contre des chrétiens dans le Nord, majoritairement musulman, ont fait plus de 80 morts. La plupart de ces raids ont été revendiqués par Boko Haram, un groupe islamiste qui réclame l'application de la charia (loi islamique) dans l'ensemble du pays. A Biu (nord-est), deux personnes, dont un responsable local des services de renseignements, ont été assassinées, hier, lundi, par des membres présumés de Boko Haram, selon une source policière. A Gusau, capitale de l'Etat de Zamfara (nord), un couvre-feu a également été instauré après que des manifestants qui protestaient contre la hausse des prix des carburants eurent attaqué une église. Selon la commission nationale des droits de l'Homme, ce sont au moins cinq personnes qui ont été tuées au total, dont quatre par balles. Trois personnes ont été abattues à Lagos, la capitale économique du premier producteur de pétrole d'Afrique. Un autre manifestant a été tué par balle à Kano, où un enfant de 9 ans a trouvé la mort dans un mouvement de foule. Si l'activité était largement à l'arrêt dans les grandes villes, la production de pétrole, 2,4 millions de barils par jour, n'a pas été affectée par la grève. A Kano, la police a lancé des grenades lacrymogènes et tiré en l'air contre des milliers de manifestants qui tentaient d'envahir les bureaux du gouverneur de l'Etat. Ils ont également tenté d'incendier le domicile du gouverneur de la Banque centrale, Lamido Sanusi, et mis le feu au bureau du chef de l'administration régionale. A Lagos, où les rues étaient complètement désertes, à l'exception des manifestants, des jeunes ont bloqué un important axe routier en enflammant des pneus, jetant des pierres sur les policiers. «Bad Luck Jonathan» (Jonathan la malchance), criaient certains, en détournant le prénom du Président nigérian, Goodluck (bonne chance) Jonathan. A Abuja, la capitale fédérale, d'importantes manifestations ont également eu lieu, rassemblant des milliers de personnes. Les syndicats exigent que le gouvernement rétablisse les subventions dont la suppression, le 1er janvier, a entraîné une brusque hausse des prix de l'essence qui affecte la plupart des Nigérians. Le litre à la pompe est ainsi passé du jour au lendemain de 65 nairas (0,30 euro) à au moins 140 nairas, alors que la plupart des 160 millions de Nigérians vivent avec moins de deux dollars par jour.