Devant l'éventualité d'une victoire des islamistes aux prochaines législatives, le ministre de l'Intérieur a recouru à un adage populaire qui dit qu'«il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. L'électeur algérien connaît son monde. La comparaison avec d'autres pays n'est pas aussi probante». «Personnellement, c'est une crainte qui m'habite», a déclaré ce matin le ministre de l'Intérieur qui intervenait sur les ondes de la chaîne III. Il a rappelé que par le passé les élections législatives n'ont pas mobilisé grand monde. «C'est lors de ces élections qu'il y a le plus fort taux d'abstention comparativement aux élections locales où les intérêts sont plus grands et aux élections de caractère national telles les élections présidentielles ou les référendums», a déclaré M. Ould Kablia. S'agissant des raisons qui peuvent expliquer ce désintérêt, il a expliqué qu'il y a deux principales raisons. Premièrement, dira-t-il, certains citoyens disaient qu'ils n'avaient pas besoin de voter vu que les résultats étaient connus d'avance. «C'est-à-dire que les résultats sont trafiqués. Pour nous, cet argument ne peut plus être valable», a dit le ministre. Deuxièmement, les électeurs disent que les candidats qui ont été choisis ne correspondent pas à ce qu'ils souhaitent. «Là, nous faisons ce qui est à notre portée, c'est-à-dire assurer la transparence et opérer un ‘'matraquage'' auprès du citoyen pour lui dire qu'il n'y a rien à craindre : ta voix sera respectée. Il reste aux partis de désigner des candidats crédibles à même de pousser les citoyens à aller aux urnes sans quoi ces derniers risquent de s'abstenir, jugeant que les candidats choisis ne correspondent pas à leurs souhaits», a-t-il souligné. Par ailleurs, le ministre de l'Intérieur ne semble pas partager le point de vue du président du MSP, qui prévoit «un triomphe» des islamistes aux législatives. Interrogé sur la question, Ould Kablia a en effet déclaré qu'il ne faut pas «vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué», ajoutant : «Personne ne peut se mettre à la place du peuple algérien pour dire vers quelle direction va aller son choix». Dans ce registre, le ministre n'accorde pas une importance capitale à l'Alliance islamiste et le poids avec lequel elle peut peser sur les résultats. «Alliance entre partis islamistes ou non, l'électeur algérien connaît bien son monde», a-t-il dit. Selon lui, la comparaison avec d'autres pays n'est pas probante. «L'Algérie a ses spécificités, ses valeurs sociétales qui ne ressemblent pas forcément à ce qui existe ailleurs où le vote a sanctionné des politiques plutôt que des valeurs. Alors restons sur la réserve et attendons de voir ce qui se passe», a déclaré le ministre pour qui l'Algérie pourrait faire l'exception au sein des pays de la région où les islamistes ont fait leurs preuves. Agrément des partis politiques «Aucune limite au nombre» Interrogé sur le traitement des dossiers et les critères retenus pour la délivrance d'agréments aux partis, Dahou Ould Kablia a indiqué que le problème de l'agrément des partis ne se traite pas en quantité ou en nombre de partis. Il s'agit, selon lui, de la qualité des dossiers présentés. «Si les dossiers correspondent aux dispositions de la loi actuelle qui n'est pas encore promulguée, mais de laquelle nous nous inspirons, nous les acceptons sans problème», a-t-il dit confirmant qu'une vingtaine de partis ont soumis des dossiers «plus ou moins complets». Mais il y en a une dizaine qui ont plus de chance que les autres compte tenu du nombre d'adhérents qu'ils présentent et en fonction également du nombre des fondateurs qui parrainent la création de ces partis. A une question sur le nombre de partis susceptibles d'être agréés, M. Ould Kablia a affirmé : «Il n'y a pas de limites.» «On ne dit pas que nous allons en agréer 10 ou 12. On peut en agréer 50 si les conditions sont remplies. La quantité n'est pas un problème pour nous. Le problème réside dans la qualité du dossier et du sérieux de cette création», a-t-il conclu. L'Alliance islamiste est «une tactique» Concernant l'alliance islamiste, le ministre a estimé que «ceux qui suivent la politique dans notre pays savent que les partis islamistes existants ont des idées et des ambitions tout à fait différentes qui ne sont pas forcément des ambitions doctrinales, mais des ambitions de personnes», a-t-il ajouté. «Je ne vois pas qui pourra se placer sous la tutelle de l'autre au niveau de ces partis-là. En outre, tous ne sont pas pour une alliance, certains appellent à l'union et d'autres la refusent», a-t-il conclu à ce propos.Quant à volonté de Ennahda de rejoindre cette alliance, Ould Kablia a estimé qu'il s'agit d'une position «tactique». «Ce parti-là (Ennahda) veut se préparer tactiquement pour la prochaine bataille électorale avec un esprit de compétition et avec probablement un programme différent susceptible de lui apporter le plus de voix possible», a-t-il estimé.