Nous sommes au soir du samedi 24 mai 1997, à Suma, un faubourg de Kobe, au Japon. Jun Hase, onze ans, quitte le domicile de ses parents pour se rendre chez son grand père. Jun Hase est de petite taille pour son âge, il est aussi un peu attardé mentalement. C'est pourquoi, bien que la maison du grand père ne soit distante que de sept cents mètres, sa mère lui fait des recommandations avant qu'il s'en aille. — Fais attention en chemin. En traversant, surtout. Attends bien que le feu soit au rouge pour descendre sur la chaussée. — Jun approuve en souriant. Il a toujours été très doux, très facile. Sa mère voit par la fenêtre sa silhouette menue s'éloigner dans la rue: elle ne le reverra jamais... A 21 heures, Mr. et Mme Hase signalent sa disparition à la police. Celle-ci prend tout de suite l'affaire au sérieux. Des appels à témoins sont lancés à la radio et à la télévision. Et les témoignages sont nombreux. Trop, même. Le petit Jun est signalé un peu partout à Kobe... Ce qu'il y a de rassurant, en tout cas, c'est que tout le monde l'a vu seul. Pas de trace d'un ravisseur éventuel, à pied ou en automobile. Il aurait donc fait une fugue. Ses parents n'arrivent pas à y croire. Cela ne correspond pas du tout à la mentalité de leur fils qui, en raison de son handicap, est très timoré... Ces témoignages sont faux. La réalité est tout autre. Elle va éclater le mardi 27 mai de la manière la plus brutale et la plus atroce. Ce jour-là, à 6 heures du matin, le concierge de l'école Tomogaoka, de Suma, celle que fréquente Jun Hase, va ouvrir, ainsi qu'il le fait chaque jour, les grilles de l'établissement. Soudain, il se fige et manque de se trouver mal. Le spectacle qu'il a sous les yeux est, en effet, insoutenable. La tête décapitée d'un enfant a été déposée devant la grille... Comme tout le monde, le concierge est au courant de l'enlèvement par la télévision et il reconnaît immédiatement la tête de Jun Hase. Ce n'est pas. tout ! Un papier a été glissé dans la bouche de la victime. Le concierge le déplie en tremblant. Il porte l'inscription : «Le début du jeu» et la signature en anglais «School Killer», c'est-à-dire : «Le tueur de l'école». Aussitôt, c'est la mobilisation générale des forces de police. Le quartier de Suma et ses environs sont ratissés par pas moins de cinq cents hommes... Le résultat ne tarde pas. La pièce manquante du sinistre puzzle n'est pas loin. On retrouve un peu plus tard le corps sans tête de Jun Hase dans la colline environnante, au pied d'un pylône de télévision. La nouvelle soulève une émotion immense dans tout le Japon. Personne n'a oublié, dans l'archipel,. le terrible tremblement de terre qui avait endeuillé Kobe deux ans plus tôt. Avec cet abominable fait divers, le sort semble s'acharner sur la ville. A Kobe, en tout cas, la population est terrorisée. Quel est ce tueur, qui, au lieu de cacher le corps de sa victime, l'expose de cette affreuse manière? La réponse est malheureusement claire : c'est un psychopathe, un tueur en série, qui, comme tous ses semblables, va recommencer. D'ailleurs, il l'a annoncé lui-même en écrivant que ce n'était que «le début du jeu»... En plus de la police, la population se mobilise. Elle organise des rondes de surveillance de jour comme de nuit. A Suma et dans les environs, les parents se relaient pour accompagner les enfants à l'école. D'autant que les premiers éléments de l'enquête ne font que renforcer les craintes. Ils prouvent qu'un dangereux déséquilibré rôde dans les parages. Depuis plusieurs mois, des cadavres d'animaux sans tête, chats et pigeons surtout, avaient été retrouvés dans les rues proches de l'école Tomogaoka, avec sur les murs, la signature «ONI», qui est le nom d'un esprit maléfique japonais. En outre, deux fillettes de quatre et cinq ans ont été agressées sauvagement non loin du domicile de Jun Hase, à quelques centaines de mètres de distance seulement l'une de l'autre. La plus jeune n'a pas survécu à ses blessures. (A suivre...)