Le charlatanisme, drapé du sceau de la religion, s'étend et se banalise. Ils sont environ un million d'adeptes de la sorcellerie et 20 000 sorciers et sorcières. C'est toute une génération d'Algériens qui est en train de grandir avec l'idée que le recours à la rokia et la hidjama par des charlatans sont des voies ordinaires et «légitimes» pour la thérapie du corps et de l'âme. Ils sont beaucoup plus nombreux les adeptes de la sorcellerie et du charlatanisme. Des pratiques qui peuvent coûter la vie à des «patients». Un retour en force des charlatans qui n'ont même pas besoin de campagne de communication, tout un pan d'une société se chargeant avec «sincérité» de leur faire une réclame efficace. Pourtant, ces «praticiens» ne se cachent même pas. Ils poussent leur champ d'action des places publiques vers des espaces plus luxueux, censés être des lieux réservées exclusivement à la beauté de la gent féminine, tels les salons de coiffure et même à l'intérieur de certaines somptueuses villas situées pourtant dans des quartiers huppés. Rien à voir avec le taleb d'antan, qui, en général, tout en confectionnant l'amulette de circonstance, indiquait au malade le chemin du médecin. Le recours à ces pratiques ne se limite pas aux pauvres ou à ceux dont le niveau d'instruction est limité, il s'étend aussi à des couches aisées et instruites. De gros pontes, des politiques et même des personnalités influentes dans les rouages du système usent de ces pratiques d'un autre âge. Le phénomène touche malheureusement beaucoup de citoyens. Le ministère des Affaires religieuses est bien intervenu pour circonscrire ce qu'est la pratique de la «rokia légale» et dire qu'elle n'est en aucun cas un substitut à la médecine, mais ce discours n'est pas empreint de fermeté. Pour la sorcellerie et le charlatanisme, c'est le silence total, pour ne pas dire le black-out. Les imams, par conviction ou par crainte, évitent d'aborder avec les fidèles cette question. Il est urgent de comprendre le phénomène et d'agir pour contrer cette victoire sans combat du charlatanisme sur la raison et la science. Il n'en demeure pas moins que des sorciers ont amassé des fortunes colossales à l'ombre d'un pur charlatanisme. La misère, le traumatisme de la longue nuit terroriste, les horizons plombés, le chômage, le déficit en communication. Voilà le djinn à exorciser. Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir beghtah.