«Le désespoir est une forme supérieure de la critique», a écrit un jour un grand poète. Car, entre l'écrit et les cris réside cette frontière ténue entre la larme et l'alarme. Ne pas avoir pour habitude de regarder notre unique et surtout «inique» chaîne de télévision n'a rien que de normal. Non pas seulement parce qu'elle est insipide, éculée, langue de bois (et langue de soi)… Mais aussi parce que la télé, globalement parlant, suivant un choix sans doute fait en haut lieu, est destinée à tuer l'intelligence, la soif de lecture et même de découvertes. Obéissant à ces sortes de «réflexes conditionnés» qui ont fait la célébrité des chiens de Young, elle abrutit insidieusement les gens en les emportant loin (pour y rester) à grand renfort de clichés stéréotypés et si peu ancrés dans la réalité. Notre télé cherche à faire pire que les autres, copiant leurs idées et délaissant les choses simples. Pour enfoncer le clou, il y a, à titre d'exemple, cette émission Alhan oua chabab qui nous revient chaque année. Une émission qui coupe l'envie de voir, de manger et même de vivre. Pourquoi ramener des jeunes de tous les coins d'Algérie, histoire de les exposer aux rires et aux sarcasmes de tous ? Certes, si le choix est offert entre être «harragas» et venir se faire ridiculiser de cette façon à la télévision, beaucoup choisirait la première option. Même si le risque est grand de voir la «Guardia» tirer sur nos jeunes harragas au lieu de les repêcher et nous les réexpédier. Entre le nif des jeunes Algériens et l'humiliation, le choix de la harga est beaucoup plus valorisant que de devenir la risée de son entourage. La honte générale devant la mascarade est telle qu'il faudrait un décret venant de très haut, histoire de proscrire ce genre d'exhibitions publiques. Il y va de l'intérêt national, et dans le cas qui nous concerne, il y va dans l'intérêt de ces jeunes qui répondent sans arrières pensées à l'appel de l'inique. Quitte à paraphraser Fellag qui, lui, le fait bien en se donnant en spectacle, « arrêtons de creuser puisqu'on a touché le fond… ». Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir beghtah.