Infosoir : pour quelles raisons, selon vous, certains pharmaciens ne respectent pas les horaires de travail et n'assurent pas de garde ? Messaoud Belambri : Il existe un arrêté sur les gardes qui date de 1997, qui est actuellement en cours de réactualisation. Nous y travaillons en commission mixte avec le ministère de la Santé depuis plusieurs mois, car la situation a évolué sur le plan social et économique, notamment par rapport au nouveau week-end semi universel. A Alger, il existe des problèmes d'application de ce texte. La Direction de la santé publique ( DSP) est allée jusqu'à établir des gardes de nuit obligatoires à titre dérogatoire, alors que cette disposition n'est pas prévue par la réglementation en vigueur. Mais il existe sur le grand Alger au moins une quinzaine de pharmacies qui assurent le service de nuit en permanence. Dans le reste des wilayas du pays, les gardes sont convenablement assurées et on recense même des officines qui fonctionnent 24 H/24, en dépit des risques sécuritaires, car n'oublions pas que les officines ne bénéficient d'aucune protection et qu'elles sont des cibles potentielles de délinquants. Que peut faire le Snapo pour rappeler à l'ordre les pharmaciens ne respectant pas leurs engagements vis-à-vis des citoyens ? L'officine au sein de la chaîne du médicament est la seule à être soumise au code de déontologie, et ce n'est pas le cas en amont pour demander aux pharmaciens de respecter des obligations. Il faudrait à notre avis lui assurer un minimum en matière de droits. Nous ne cherchons pas à fuir nos responsabilités, mais il ne faut pas que l'exercice de la profession se résume à une série de contraintes insurmontables. Si on impose la garde aux pharmaciens, elle doit aussi être imposée aux cabinets médicaux, aux distributeurs de médicaments, notamment en ces temps de ruptures. Il faut assurer également une rémunération honorable en fonction des efforts et des dépenses supplémentaires qu'il doit consentir pour accomplir convenablement cette garde. Nous rappelons que l'arrêté ministériel instaure l'obligation de tenir la garde et prévoit des sanctions administratives en cas de manquement, le syndicat appelle toujours les pharmaciens au respect de la garde, les défaillances que vous avez soulevées sont dûes principalement à un manque de communication et d'information. En principe, le tableau de garde doit être affiché partout : commissariats, gendarmeries, hôpitaux, services des urgences, polycliniques de garde, APC, devanture des officines et, pourquoi pas, publié sur les quotidiens locaux et nationaux, sur des sites web, pourquoi ne pas créer des sites dédiés spécialement à cet effet ? L'aspect commercial semble prendre le dessus sur le côté service public. Que faut-il faire pour imposer le respect de la déontologie dans ce métier ? Le service public a un coût sur tous les plans et l'officine à elle seule ne peut en aucun cas en supporter le prix. Le terme service public à lui seul est trop lourd dans ce sens, et c'est une énorme contrainte pour le pharmacien. Nous demandons un minimum d'aide et de compréhension pour pouvoir l'assurer. Le pharmacien ne doit être ni sacrifié ni jeté en pâture, mais il faut lui donner les moyens qui peuvent l'aider à assumer toutes ses responsabilités. Vous abordez le volet commercial, et l'officine a malheureusement une vocation sanitaire liée indéniablement au volet économique. Nous dispensons des médicaments que nous achetons en prenant au passage une marge contrôlée et plafonnée. La pharmacie d'officine est une profession réglementée liée au moins à quatre ministères : Santé, Travail et Sécurité sociale, Commerce et Finances. Dans notre exercice quotidien qui devient de plus en plus difficile, on jongle entre plusieurs contraintes de toutes natures pour maintenir la viabilité très sensible de notre profession. Quelles sont les principales contraintes dont vous parlez ? La marge bénéficiaire a connu une diminution constante mais vertigineuse en très peu d'années. Pour rester rentable face à cette diminution, l'officine doit multiplier son chiffre d'affaires habituel par trois ou plus, or c'est chose impossible car la réalité du terrain et du marché ne le permet pas. Les prix sont désormais plombés au plus bas par le tarif de référence qui touche pratiquement tous les médicaments, et le nombre de pharmacies a été multiplié au moins par trois en quelques années, car on est passé de 3 000 à 8 600 officines. Le pharmacien est donc en situation de précarité et d'appauvrissement qui persiste et la revalorisation des marges tant promise tarde à venir. Votre question me pousse plutôt à tirer une autre conclusion, c'est à cause du souci économique et par souci de rentabilité que de nombreuses pharmacies se sont mises à prolonger leurs horaires de travail et se sont mises à ouvrir jusqu'à des heures tardives de la nuit, jusqu'à faire même du H/24. Cela traduit l'ampleur des difficultés de trésorerie auxquelles fait face le pharmacien, en travaillant plus, il espère ainsi gagner plus, or ce n'est guère évident.. *Président du Syndicat national des pharmacies d'officines (SNAPO).