On annonce à chaque fois une grogne sociale émanant parfois de la famille de l'Education nationale, parfois de la santé et parfois des cheminots. La raison ? C'est partout la même revendication. Ces grilles de salaires conçues et décidées sans que l'on consulte les partenaires sociaux, c'est-à-dire les travailleurs et leurs syndicats de base. Le monde du travail vit une situation paradoxale : autant le paysage politique s'est énormément enrichi de plusieurs dizaines de chapelles toutes idéologies confondues, autant le monde du travail est resté étrangement pauvre. Bien sûr, ce qui nous vient à l'esprit, c'est surtout l'existence du fameux syndicat islamique du travail (pas des travailleurs) qui squatta tant et si bien les entreprises qu'il fallut tirer la sonnette d'alarme et, en l'interdisant, les autorités d'alors avaient en même temps interdit toutes les structures syndicales qui voulaient s'affranchir de la puissante centrale UGTA. C'est que l'alibi trouvé était indiscutable et, dans la foulée, bien que la mouvance islamique qui avait le vent en poupe fût privée d'activité, l'interdiction entraîna dans son sillage toute velléité d'indépendance en gelant carrément les corporations qui voulaient se libérer. Aujourd'hui, la situation n'étant plus la même, l'interdiction d'activer, si elle n'est pas toujours de rigueur pour certains, est très restreinte pour d'autres qui sont loin d'être reconnus comme des partenaires sociaux représentatifs des travailleurs. Le commun des observateurs aura relevé cette flagrante contradiction qui consiste à déclarer que le danger terroriste est réellement éloigné et avec lui le syndicalisme qui s'en nourrit, et d'interdire en même temps certains syndicats dits autonomes d'activer. Résultat, nous sommes toujours en présence du seul interlocuteur que les pouvoirs publics reconnaissent : l'UGTA qui a négocié avec le gouvernement et le patronnat lors de la dernière tripartite au nom de tous les travailleurs sans qu'elle soit mandatée par ceux qui ont rejoint les syndicats autonomes. Or, la centrale de la place du 1er-Mai a énormément perdu de son aura et son animateur principal en a fait un appendice prêt à entériner toutes les décisions prises en haut lieu et les très nombreux travailleurs ont encore en mémoire l'acceptation de la loi des hydrocarbures avant que l'on se ravise à remettre les choses à leur place, c'est-à-dire que l'on décide son gel sans que le syndicat officiel ait influé en quoi que ce fut sur ce brusque revirement. Ainsi, en ce début d'année riche en évènements, la flambée des prix n'est pas le moindre mal, il y a comme un malaise dans l'air et de nombreuses caisses de résonance propres à certains secteurs déclenchent à chaque fois des actions de grande envergure. Qu'elles s'appellent CLA, CNES ou autres, même la FNTE, fédération des travailleurs de l'Education nationale, traditionnellement affiliée à l'UGTA, s'est mise elle aussi à manifester de réelles velléités d'indépendance. Les travailleurs se sentant exclus, voire marginalisés, comptent s'organiser et si ces actions ne débouchent pas sur la reconnaissance des syndicats autonomes, un long bras de fer s'annonce. Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir beghtah.