Réalité - Le marché national de l'emploi, déjà fragile, n'offre pas d'opportunités de recrutement pour plusieurs spécialités de formation supérieure. Si un certain nombre de jeunes diplômés universitaires exercent des métiers manuels par amour de ces métiers ou pour se faire une situation dans un court laps de temps, d'autres n'ont pas d'autres solutions, car leur formation universitaire est tout simplement en inadéquation avec le marché du travail. Des spécialités comme la sociologie, les sciences de l'éducation, l'archéologie et d'autres filières techniques n'ouvrent pas d'horizons pour un avenir professionnel dans le domaine. Il vaut mieux, donc, apprendre un métier manuel et l'exercer afin de gagner sa vie, plutôt que de rester inactif. «Avec une licence en sociologie je ne peux prétendre à un poste de travail dans l'administration, car les concours se font de plus en plus rares et la demande dépasse de loin l'offre. J'ai tenté de changer de spécialité, mais comme je n'avais pas de solides connaissances à l'université, j' ai été contraint de poursuivre dans la même filière. Aujourd'hui, je n'ai plus aucun espoir, j'ai rangé mon diplôme et je travaille comme coiffeur», témoigne Rachid, la trentaine. Il affirme que l'écrasante majorité de ses amis diplômés de la même filière travaillent, eux aussi, dans des entreprises privées de bâtiment. Peintres, maçons, plombiers, coffreurs, cuisiniers…, chacun a fait son choix pour échapper aux affres du chômage et des fléaux sociaux. Ces jeunes veulent gagner leur vie à la sueur de leur front et n'attendent plus la concrétisation des promesses des pouvoirs publics quant à l'éradication du chômage. Même les dispositifs mis en place ces dernières années concernant le soutien à l'emploi des diplômés universitaires ne semblent pas les intéresser. Ils assimilent cela à une perte de temps, car passer deux années derrière un bureau pour une allocation de 12 000 dinars ne constitue pas, selon eux, une solution à leur principale préoccupation. «Un diplômé universitaire veut travailler et gagner dignement sa vie afin de réaliser certaines ambitions légitimes, comme le mariage, l'acquisition d'un logement, d'un véhicule… Nous ne demandons pas l'impossible, mais seulement mener une vie simple et digne, ce que notre formation ne peut nous garantir dans un pays où le chômage ne cesse de prendre de l'ampleur», argumente Samir, titulaire d'une licence en sciences politiques et chauffeur d'un bus de transport de voyageurs. Son travail lui permet, dit-il, de percevoir un salaire beaucoup plus intéressant que les fonctionnaires dans des administrations publiques. Ce sont essentiellement des jeunes issus de familles démunies qui se trouvent contraints d'exercer un métier manuel. Certains d'entre eux affirment qu'ils auraient souhaité poursuivre leurs études en post-graduation, mais leur situation socioéconomique les a empêchés de réaliser cet objectif. Pour l'obtention de la licence, ils affirment avoir souffert le martyre et travaillé durant les vacances pour pouvoir assurer leur argent de poche. Ces jeunes ne regrettent, cependant, pas d'avoir fait des études supérieures et estiment que cela leur a permis d'avoir des connaissances et un certain niveau intellectuel.