Désolation Pour la venue du président Chirac, 150 milliards ont été engloutis pour la toilette du centre-ville. Pour le reste, il n?est pas beau à voir... Depuis deux décennies, la population oranaise vit dans des conditions pénibles dues en grande partie à l?inexistence d?un système de collecte d?ordures efficace, ajoutée à la distribution anarchique de l?eau paralysant les foyers et pénalisant lourdement les deux millions d?habitants de cet «immense douar» qu?est devenue la ville d?Oran. Dans les nouvelles cités qui ont poussé un peu partout à Oran, ils sont des milliers qui n?ont jamais vu l?eau couler de leurs robinets, alors que d?autres habitants des cités huppées, à l?image de Saint Hubert, Protin, les Palmiers, la reçoivent quotidiennement... Environ 60% des cas de maladie à déclaration obligatoire sont des affections liées à l?utilisation de l?eau de puits, apprend-on au niveau du service épidémiologique et de médecine préventive du CHU d?Oran. On apprend, par ailleurs, qu?on enregistre chaque année, à Oran, sur 100 000 habitants 90 nouveaux cas de maladies infectieuses (typhoïde, méningite, malaria...). Il est à noter que cette situation ne cesse d?empirer et les statistiques le démontrent largement : 364 cas en 1999 et plus de 1 600 en 2003. «C?est un problème purement organisationnel qui a été à l?origine de plusieurs foyers de contamination», nous confient des médecins. Et d?ajouter : «Oran ne respecte pas les normes en matière de programmes anti-infectieux.» Alors, Oran, une image d?Epinal ? Oui, car la cité millénaire vit une situation dramatique, notamment les quartiers populeux et populaires de Boulanger, Saint Antoine, Derb Sidi Lahouari, Sanchidrian, Chollet et Les Planteurs, qui apparaissent clairement à travers leur isolement de la scène sociale au seul bénéfice du centre-ville qui a englouti 150 milliards de centimes pour accueillir le président français Jacques Chirac en mars 2003. «Nos responsables locaux, qui n?ont aucune vision en matière de santé pour l?avenir de la ville d?Oran, se confinent dans leurs bureaux et dans des projets n?ayant aucune relation avec l?hygiène de la ville», répètent sans cesse des électeurs qui «se sont fait gruger par les promesses mielleuses de bonimenteurs», entend-on à chaque coin de rue. Outré, un citoyen souligne à cet égard que plusieurs demandes de rattachement de crédits au profit des quartiers déshérités cités plus haut pour la réalisation de l?AEP, sont restés à ce jour lettre morte. Pour manifester le bien-fondé de leurs revendications, les habitants ont observé des sit-in de protestation dans le but de rappeler aux responsables qu?ils sont plus de deux millions d?Algériens privés d?hygiène et d?eau depuis des lustres alors que les services de la voirie bénéficient d?une enveloppe budgétaire conséquente. «Qu?attendent les élus locaux pour se pencher sur le problème de l?eau et de l?hygiène et tenir leurs promesses distillées à fortes doses pendant les élections ?», déplorent des citoyens rencontrés au niveau du CHU d?Oran. La croissance rapide de la population, engendrée en grande partie par l?exode rural lié essentiellement à la situation sécuritaire, a fait connaître aux quartiers d?Oran un second développement depuis la décennie écoulée, à la suite du recasement de citoyens venus de wilayas touchées par le terrorisme. Evidemment, la non-maîtrise de cette situation, qui a germé aux portes de la cité, n?a pas été sans problèmes, et les moyens dont disposait la commune d?Oran ne pouvaient contrer tous les besoins induits par ce «développement» par trop rapide.