Depuis deux décennies, la population oranaise vit dans des conditions atroces et pénibles dues, en grande partie, à l'inexistence d'un système de collecte d'ordures efficace, en plus de la dérégulation dans la distribution de l'eau qui paralyse les foyers et pénalise lourdement les deux millions d'habitants de cet “immense douar qu'est devenue la ville d'Oran”, jadis coquette. Dans les nouvelles cités qui ont poussé un peu partout à Oran, des milliers de citoyens n'ont jamais vu l'eau couler dans leurs robinets, contrairement à d'autres habitants de cités huppées, à l'exemple de St-Hubert, Protin, Les Palmiers, qui la reçoivent quotidiennement. Environ 60% des cas de maladie à déclaration obligatoire (épidémiologique) proviennent des affections liées à l'utilisation de l'eau des puits, apprend-on au niveau du service épidémiologique et de médecine préventive du CHU d'Oran. On apprend, par ailleurs, qu'on enregistre chaque année à Oran 90 nouveaux cas de maladies infectieuses (typhoïde, méningite, malaria…) sur 100 000 habitants. Il est à noter que cette situation ne cesse d'empirer et les statistiques le démontrent largement : 364 cas en 1990 et plus de 600 en 2001. “C'est un problème purement organisationnel qui a été à l'origine de plusieurs foyers de contamination”, nous confient des médecins. Et d'ajouter : “Oran ne respecte pas les normes en matière de programmes anti-infectieux.” Alors, Oran, une image d'Epinal ? Oui, car la cité millénaire est dans une situation dramatique, notamment les quartiers populeux et populaires de Boulanger, St Antoine, Derb, Sidi L'houari, Eckmühl, Sananes, Sanchidrian, Chollet et Les Planteurs qui sont isolés socialement, contrairement au centre-ville qui a englouti, à lui seul, 150 milliards de centimes pour accueillir le président français Jacques Chirac. “Nos responsables locaux, qui n'ont aucune vision en matière de santé pour l'avenir de la ville d'Oran, se confinent dans leurs bureaux et dans des projets n'ayant aucune relation avec l'hygiène de la ville”, répètent à tue-tête des électeurs qui “se sont fait gruger par les promesses mielleuses de bonimenteurs”, entend-on à chaque coin de rue. Outré, un citoyen soulignera à cet égard que plusieurs demandes de rattachements de crédits au profit des quartiers déshérités cités plus haut pour la réalisation de l'AEP sont restées à ce jour lettre morte. Pour manifester le bien-fondé de leurs revendications, les habitants ont observé plusieurs sit-in de protestation dans le but de rappeler aux responsables qu'ils sont plus de deux millions d'Algériens privés d'hygiène et d'eau depuis des lustres, alors que les services de la voirie bénéficient d'une enveloppe budgétaire conséquente. “Qu'attendent les élus locaux pour se pencher sur le problème de l'eau et de l'hygiène et tenir leurs promesses distillées à fortes doses pendant les campagnes électorales ?”, déplorent des citoyens rencontrés au niveau du CHU d'Oran. Ironie du sort, la population d'Oran est condamnée à vivre, comme dans le passé, suspendue dans le temps et l'espace par les plaisirs chimériques de la Corniche, du raï, des tables et des… alcôves. La croissance rapide de la population, engendrée en grande partie par l'exode rural lié essentiellement à la situation sécuritaire, a fait connaître aux “quartiers d'Oran” un second développement depuis la décennie écoulée, à la suite du recasement des citoyens provenant des wilayas touchées par le terrorisme. Evidemment, la non-maîtrise de cette situation qui a germé aux portes de la cité n'a pas été sans problèmes, et les moyens dont disposait la commune d'Oran ne pouvaient contrer tous les besoins induits par ce “développement” par trop rapide. Ces citoyens ne mâchent pas leurs mots lorsqu'ils nous précisent leur pensée : “Il est regrettable de constater que, jusqu'à l'heure actuelle, la population d'Oran continue à faire les frais d'une politique dichotomique. Car, priver d'hygiène et d'eau, les citoyens devraient inciter les responsables, à tous les niveaux, à réfléchir avant de formuler des promesses électoralistes jamais honorées.” En effet, comment peut-on évoquer la gestion transparente des élus locaux si des dispositions efficaces et perfectibles continuent à tâtonner dans l'incertitude ? Cet état de fait peut également s'expliquer par la rigidité des rapports qui caractérisent l'organisme en charge, en l'occurrence les services de la voirie, le maire, l'Epeor et les structures locales. À présent, il est grand temps que les autorités concernées et les spécialistes en la matière s'y mettent pour lutter contre le fléau des maladies pathologiques qui ne cessent de ronger la population déshéritée d'Oran. Autrefois, on rencontrait des cas de peste en milieu rural, mais aujourd'hui on assiste à une recrudescence de cette maladie en milieu urbain. Et comme Oran n'est pas épargnée par le spectre du virus du sida, on peut imaginer la suite qui ne peut être que calamiteuse. Et c'est dans le souci d'une hygiène constante que des mesures urgentes doivent être introduites pour remédier à l'injustice vécue par la population de plusieurs quartiers d'Oran, “otages” de leur statut de quartier pauvre et déshéritée. B. G. Un autre cas suspect de peste sous traitement Un jeune homme de 27 ans, suspect d'être atteint de peste bubonique, a été hospitalisé dimanche au service des maladies infectieuses du CHU, a indiqué, hier, la direction générale de ce centre hospitalier. Il s'agit d'un agriculteur demeurant dans la commune d'El-Karma et travaillant à Kehaïlia, commune où neuf cas de peste bubonique ont été enregistrés, la semaine dernière, est-il précisé dans un communiqué de la direction du CHU d'Oran. Selon le même communiqué, la personne présente des signes cliniques de cette pathologie, mais le diagnostic ne peut être confirmé que par les résultats de l'examen bactériologique qui a été déjà effectué. Il est précisé, par ailleurs, que la famille du patient, dont l'état de santé est jugé satisfaisant, a été mise sous traitement prophylactique.