Fatalité - Il sera le seul homme politique au monde et même le seul homme de la Planète à avoir été victime de deux crashs successifs d'avion. Taher. C'est l'une des villes les plus anciennes de la wilaya de Jijel, et c'est là qu'ont vu le jour deux géants de la Lutte de libération nationale : Ferhat Abbes et Mohamed-Seddik Benyahia. Si leurs destins sont différents, celui de Benyahia, en revanche, est exceptionnel et même digne d'une tragédie grecque. De Gaulle qui le connaissait à peine, dira de lui, après l'avoir longuement reçu au Palais de l'Elysée : «De si frêles épaules pour d'aussi lourdes responsabilités.» L'enfant de Taher qui est issu d'une famille honorable et bien connue dans la région, aura, en effet, très jeune, toutes sortes de responsabilités à exercer. Il prendra part, en arrière-plan, aux accords d'Evian en Suisse. A l'Indépendance il occupera, malgré son âge, les postes de ministre de l'Information, de ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et enfin celui de ministre des Affaires étrangères. C'est à ce poste qu'il donnera toute la mesure de son immense talent en débloquant à Téhéran la crise qui opposait les Iraniens et les Américains et en obtenant la libération des diplomates US prisonniers et assiégés dans leur propre ambassade. Mais le «Djidjeli» comme on l'appelait dans les couloirs des AE, battra un triste record : il sera le seul homme politique au monde et même le seul homme de la Planète à avoir été victime de deux crashs successifs d'avion. Lorsque son premier aéronef s'abîmera près de Bamako, Chadli Bendjedid, alors président de la République, enverra tout de suite une mission d'enquête sur les lieux du sinistre qui sera également chargée de ramener les dépouilles en Algérie. Un cercueil en bois de hêtre sera même préparé pour recevoir les restes de Benyahia. Mais il faut croire que la mort n'était pas au rendez-vous. Le ministre était vivant mais en piteux état. Quelques années plus tard, il reprendra le même bâton de pèlerin, direction, cette fois encore, Téhéran. Un obus tiré sans doute par des Irakiens touchera son avion en plein vol. L'épave de l'appareil sera retrouvée en territoire iranien, tout près de la frontière turque. Cette fois la mort était au rendez-vous. Ironie du sort Benyahia sera enterré dans le même cercueil que celui qui lui était destiné pour le naufrage de Bamako. Voila pourquoi le destin de l'enfant de Taher a été hors norme.