Voix n Cette voix du terroir a offert, hier à la salle Ibn Zeydoun (Riad-el-Feth), un moment sublime et fort en émotion. Lors de son récital, en marge de la 5e édition du Festival international de la littérature et du livre de jeunesse, Houria Aïchi a, une fois encore, célébré, avec sa voix pure, puissante et envoûtante, le chant chaoui. C'est en effet avec force et beaucoup de caractère qu'elle a interprété l'héritage de ses ancêtres, rendant ainsi hommage aux monts des Aurès. Accompagnée sur scène d'un joueur de guesba et d'un joueur de bendir, Houria Aïchi a su partager avec son public venu nombreux, un voyage au cœur des montagnes des Aurès. C'est ainsi que durant près de deux heures, Houria Aïchi, jouant tantôt du bendir pour accompagner le jeu des musiciens, et exécutant tantôt avec beaucoup d'élégance et de naturel quelques pas de danse, a chanté le meilleur de son répertoire, ‘Ya Salah, Aïn El-Karma, Lahwen Oudrara...' Autant de chansons qui nous rappellent la poésie populaire authentiquement ancrée dans la tradition du chant chaoui. Lors de sa prestation, l'artiste, qui a su se distinguer à travers une présence scénique remarquée, a tenu à rendre un hommage à la chanteuse disparue, Zoulikha, en chantant un de ses titres phare, à savoir ‘Cheche El-Khater'. Houria Aïchi a offert au public un récital de toute beauté et de poésie. Un récital, un spectacle, voire une extraordinaire performance vocalique. Il se révélait, en outre, un pur moment d'harmonie, de poésie, d'évasion musicale riche en sonorités ancestrales, d'émotions euphoriques et d'exaltation de l'âme chaouie. Cela grâce à la manière dont les chants chaouis sont interprétés, c'est-à-dire grâce à sa voix qui, telle une sève, s'insinue en nous, tantôt dans la complainte, tantôt dans l'allégresse. Une voix porteuse et pénétrante, qui exprime tout le talent de l'artiste, voire cette capacité de donner du caractère, du relief et du contenu à la tradition orale qui tend à disparaître. Autrement dit, elle chante avec amour et sagesse l'ancestralité et l'authenticité des Aurès. Notons que le répertoire de Houria Aïchi est le fruit d'un travail de recherche et de collecte des chants chaouis – ces chants qui l'habitent et l'animent avec une force étonnante – et ce, avec un profond souci de vérité et d'authenticité. En effet, Houria Aïchi, pareille à une ethnomusicologue, s'en va collecter «les derniers vestiges dans les villages oubliés» et les interprète en tentant de rester aussi fidèle que possible à la tradition. Elle perpétue alors une tradition de poésie populaire chantée, héritée de sa grand-mère, de toutes ces femmes pétries par le climat et les coutumes des Aurès. Houria Aïchi fait brillamment connaître l'authenticité de cette poésie chantée de l'Aurès. Ainsi, elle interprète depuis plus de douze ans ces chants séculaires des femmes des Aurès comme un hommage à la femme algérienne, comme une ode à la liberté. Houria Aïchi perpétue le patrimoine musical et poétique des Aurès, sa terre natale, assumant pleinement son attachement à un héritage culturel ancestral. Dans un entretien accordé à l'APS, elle a dit : «Je suis une artiste, je chante et je m'exprime dans ma culture ancestrale. C'est ça mon propos.» Elle a ensuite ajouté : «La gasba et le bendir font partie de moi-même. Ils ne disparaîtront jamais, même si j'évolue vers d'autres registres musicaux, car ils font partie de mon univers. Je suis une artiste des Aurès et je l'assume pleinement.» Houria Aïchi, qui s'inscrit dans la lignée des pionniers de la chanson chaouie comme Aïssa El-Djarmouni et Beggar Hadda, affirme que la poésie populaire héritée de ses ancêtres est à la base de son travail, tout en déclarant son attachement aux deux instruments ancestraux phare, la gasba et le bendir, même si elle s'intéresse à la découverte d'autres sonorités ou traditions musicales. Le chant pour elle est avant tout «une façon de s'exprimer dans ce qu'elle connaît le mieux, ce qui la touche et la fait vibrer», a-t-elle confié. A propos de l'indisponibilité de ses albums en Algérie, l'artiste a expliqué que sa maison de production «n'a pas encore trouvé par quel moyen distribuer (ses) albums en Algérie». «Je n'ai pas de prise sur ces questions. C'est la maison de production qui a les droits d'édition. Nous ne savons pas comment faire pour trouver des accords de co-édition pour pouvoir distribuer mes disques en Algérie», a résumé Houria Aïchi qui, pleine d'humilité, ne se considère pas comme le porte-voix de la chanson chaouie, ni la gardienne de ce genre musical typique des montagnes des Aurès. Y. I.