Résumé de la 11e partie n Tous soupçonnent Mrs Leonidès, mais les preuves manquent... Seulement, cette fois, il s'agissait de tout autre chose. — Si nous venons jamais à bout de cette affaire-là, m'avait déclaré mon père, ce sera de l'intérieur. Il faut que nous sachions tout des gens qui habitent cette maison et, les renseignements que nous voulons, si quelqu'un peut les obtenir, c'est toi ! La chose ne me plaisait guère. — Autrement dit, avais-je répliqué, je ferai l'espion ? J'aime Sophia, elle m'aime – du moins, je veux le croire – et je vais profiter de ça pour me documenter sur les secrets de la famille ! Le «pater» avait haussé les épaules et répliqué avec mauvaise humeur. — Ne vois donc pas les choses à la façon d'un petit boutiquier ! Tu ne supposes pas, j'imagine, que la dame de tes pensées a tué son grand-père ? — Bien sûr que non ! — Je suis assez de ton avis là-dessus. Seulement, il y a une chose qui est sûre : c'est que cette jeune personne, tu ne l'épouseras pas aussi longtemps que cette affaire n'aura pas été tirée au clair, j'en ai l'absolue certitude. Or, prends-en bien note, ce crime est de ceux qui pourraient fort bien rester impunis. Il est parfaitement possible, que tout en sachant pertinemment que c'est la veuve qui a fait le coup, avec la complicité de son... soupirant, nous nous trouvions dans l'incapacité de le prouver. Jusqu'à présent, nous ne pouvons retenir contre elle aucune charge. Tu t'en rends compte ? — Bien sûr, mais... Le paternel ne m'écoutait pas et suivait son idée. — Ne crois-tu pas, par conséquent, que ce serait une bonne idée que d'exposer clairement la situation à Sophia ? Simplement, histoire de voir ce qu'elle en pense ? J'ergotai encore, mais le lendemain, comme je viens de le dire, je m'en allai à Swinly Dean, avec l'inspecteur principal Taverner et le sergent Lamb. Un peu après le terrain de golf, nous engageâmes notre voiture dans une large allée qui, avant la guerre, avait dû être fermée par une grille imposante, ayant vraisemblablement pris le chemin de la fonte au cours des hostilités. Nous roulâmes un instant entre deux haies de rhododendrons, pour nous arrêter enfin sur le vaste terre-plain qui s'étendait devant la villa. Que cette maison s'appelât «Three Gables», c'était proprement incroyable. Des pignons, j'en comptai onze, qui composaient un ensemble extraordinaire. Biscornu, Sophia avait dit le mot. Aucun n'eût pu être plus exact. C'était une villa, mais de proportions si exagérées qu'on avait l'impression de la voir sous le grossissement d'une loupe énorme, une villa qui avait l'air d'avoir poussé en vingt-quatre heures, comme un champignon, une invraisemblable construction, tourmentée à l'excès. C'était là, je le compris tout de suite, non pas une villa anglaise, mais l'idée qu'un restaurateur grec – et richissime – pouvait se faire d'une villa anglaise. Un château manqué, dont les plans n'avaient évidemment pas été soumis à la première Mrs Leonidès. A suivre Agatha Christie