Drame «Quand on joue, on se divise en deux camps, les juifs et les Arabes. Les premiers ont des fusils en plastique et les seconds des cailloux», raconte la petite Mayssoum. La mer est proche, mais Israël en verrouille l'accès. Pour des enfants de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, la plage est un rêve et les décombres des maisons détruites par l'armée sont leur unique terrain de jeu. Warda Abou Armana, 9 ans, ne joue plus dehors depuis que sa maison a été rasée et que sa famille a dû quitter une seconde maison à cause des tirs des soldats. «J'ai peur, surtout quand j'entends des avions et des hélicoptères», confie cette fillette aux cheveux tressés avec un sourire gêné. Elle continue à aller en classe, mais l'école n'est pas un refuge. «Il y a deux jours, la terre a tremblé et tous les enfants se sont mis à crier», dit-elle. L'armée avait fait sauter une mine pour provoquer des effondrements de tunnels de contrebande d'armes. Il y a quelques années, elle a pu se rendre à la mer, dans la partie nord de la bande de Gaza, car il était déjà impossible pour un Palestinien de Rafah de parvenir au littoral, situé à quelques kilomètres seulement, mais dont l'accès est réservé à la colonie de Rafah Yam. Elle en garde un souvenir émerveillé dont témoignent ses dessins. Dans l'avenir, elle voudrait être traductrice et vivre «libre comme d'autres enfants du monde», débarrassée des Israéliens. Comme les autres enfants de Gaza, elle n'a d'ailleurs jamais vu un Israélien en chair et en os, puisque les seuls Israéliens avec lesquels ils sont en contact sont des militaires retranchés derrière leur blindage. Mayssoun Abou Anza, 10 ans, vit encore plus exposée à une centaine de mètres à peine des positions israéliennes de la frontière avec l'Egypte dans un quartier sinistré où des coups de feu claquent épisodiquement. Sa maison porte des impacts de balles et a été vidée de ses meubles, de crainte d'une destruction par l'armée israélienne qui, dans ce cas, ne donne que quelques minutes aux habitants pour déménager leurs effets. Elle aussi a peur des tirs, mais elle s'y est habituée et cela ne l'empêche pas de jouer avec les gamins dans la rue et même d'aller manifester. «Quand on joue, on se divise en deux camps, les juifs et les Arabes. Les juifs ont des fusils en plastique et les Arabes des cailloux», raconte-t-elle. Elle rêve de devenir infirmière quand elle sera grande. Son voisin Souleimane Abou Anza, 12 ans, semble, lui aussi, s'être adapté. Il regrette surtout le départ de ses copains dont les maisons ont été détruites ou sont devenues inhabitables. Sur un terrain vague entre les décombres, des enfants jouent et récupèrent de la ferraille pour la revendre. «Dans notre bloc au camp de réfugiés, nous sommes des durs», proclame fièrement l'un d'eux. Quand il sera grand, il veut être un fedayi. En attendant, il se vante devant ses amis sceptiques d'avoir repoussé des blindés avec des pierres et prétend avoir tiré au fusil M16.