Résumé de la 2e partie - Le médecin examine le pilote et le copilote et diagnostique une intoxication alimentaire. Une question : leur état leur permettra-t-il de faire atterrir l'avion ? Ressaisissez-vous ! Il faut absolument que vous preniez sur vous. Mais, pour toute réponse, il ne reçoit que quelques mots prononcés dans un souffle, presque un râle : — Peux pas... trop mal... vais mourir... Le même manège avec le copilote donne le même désespérant résultat. Il se tourne alors vers le radio : — Vous sauriez faire atterrir l'appareil ? L'homme, qui avait assisté jusque-là muet à toute la scène, secoue la tête d'un air sinistre. — Absolument pas. C'est totalement exclu. Il interroge à son tour le médecin : — Quel temps leur faudrait-il pour retrouver un état à peu près normal ? — Vingt-quatre heures au moins. Et encore, ce n'est pas certain. Le radio hoche la tête. — Il est 17h30. Nous nous poserons à Paris dans sept heures et demie. Ce n'est pas à ce moment-là qu'ils devront intervenir, c'est quand on débranche le pilote automatique pour la descente, une demi-heure avant. Donc, dans sept heures exactement. Maintenant, je vais remplir mon rôle : envoyer un message de détresse. C'est parfaitement clair. Pendant sept heures, le vol charter Montréal-Paris ne risque rien, mais passé ce délai, si les navigants sont toujours dans le même état, c'est le drame absolu. Ou on débranche le pilote automatique, et c'est l'écrasement assuré, ou on ne le débranche pas, et l'appareil continue jusqu'à épuisement du carburant et chute comme une pierre. Oui, une véritable catastrophe ! Et pas seulement pour ceux qui sont à bord. Car nul ne peut prédire où tombera l'appareil. Peut-être sur une école, un hôpital, peut-être... au cœur de Paris ! Alors, pour la première fois, Chantal Oliveri craque. Elle est prise d'un rire nerveux et répète entre deux hoquets : — La crème renversée ! La crème renversée !... La voix sèche du docteur la rappelle à l'ordre : — Taisez-vous mademoiselle ! J'ai besoin de vous. Nous allons leur donner du café, des vitamines, s'ils acceptent d'en prendre. Il faut aussi des couvertures, beaucoup de couvertures pour éviter l'hypothermie et, surtout, nous allons leur parler, leur dire combien de vies humaines dépendent d'eux. Leur volonté, je crois que c'est encore notre meilleur atout. Il faut qu'ils comprennent, qu'ils puisent dans leurs dernières forces, qu'ils aillent au bout des ressources humaines. C'est ce que font pendant des heures le médecin et l'hôtesse. — Commandant, pensez aux femmes, aux enfants... Pour eux, commandant. Il le faut... Et ils réussissent ! Lorsqu'arrive le moment crucial, le commandant échange un regard crispé avec son second et débranche le pilote automatique. Au même moment, Chantal Oliveri s'est emparée du micro. — Nous commençons notre descente sur Paris. Nous risquons d'avoir un atterrissage difficile. Serrez vos ceintures, penchez-vous en avant et serrez vos genoux avec vos bras. Il y a eu des cris, des larmes, mais tout s'est passé sans trop de mal. Si l'appareil s'est immobilisé un peu brutalement, il n'y a eu ni dégâts ni blessés. Ainsi s'est terminée l'odyssée du vol charter Montréal-Paris. Mais si les faits sont passés inaperçus du grand public en raison de l'absence de victimes, ils ont suscité, au contraire, une vive émotion dans la profession. A tel point qu'à la suite de cela, dans toutes les compagnies aériennes mondiales, un règlement interdit au pilote et au copilote de manger la même chose lors du repas précédant un vol. Voilà pourquoi cet événement restera heureusement unique dans l'histoire de l'aviation.