Anathème Les sénateurs critiquent les exactions commises sur les prisonniers irakiens et exigent que d?autres photos soient rendues publiques. Près de deux semaines après la révélation du scandale sur les sévices infligés à des prisonniers irakiens, les responsables américains commencent tout juste à mesurer le tort porté aux intérêts américains et évoquent d?ores et déjà un «Pearl Harbor diplomatique». L'Administration Bush reconnaît publiquement que le scandale est un désastre pour sa politique étrangère et tente de faire face aux contrecoups sur le plan intérieur avec de lourdes conséquences potentielles sur l'issue de l'élection présidentielle du 2 novembre prochain. De fait, les photos montrant des prisonniers irakiens nus et humiliés à Abou Ghrib ont suscité une vague de révulsion et de honte comme peut-être jamais depuis la révélation du massacre de centaines de Vietnamiens dans le village de My Lai en 1968. L'influent sénateur démocrate américain Ted Kennedy a déploré qu'au Proche-Orient, «le symbole de l'Amérique n'est plus la statue de la Liberté, mais le prisonnier debout sur une boîte, la tête recouverte d'un capuchon sombre et des fils métalliques reliés à son corps», en faisant référence à une photo largement publiée. «Il ne faut pas se voiler la face, c'est un Pearl Harbor diplomatique», a dit le représentant républicain Tom Cole, en référence à l'attaque japonaise de décembre 1941 qui a précipité l'entrée des Etats-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. D'autres membres du Congrès craignent que le scandale menace les alliances internationales pour reconstruire l'Irak, compromette la guerre contre le terrorisme, et mette en danger les troupes américaines et d'autres Américains à l'étranger. «Nous courons le danger de voir l'Amérique perdre ce qui faisait d'elle une autorité et une inspiratrice morale dans le monde», a écrit l'éditorialiste du New York Times, Thomas Friedman. On apprend, en outre, que le département américain de la Défense va remettre au Congrès des disquettes contenant d'autres photos de prisonniers irakiens maltraités, mais ces documents resteront toutefois confidentiels, a indiqué hier dimanche le président de la commission des forces armées au Sénat. Mais des parlementaires, républicains et démocrates, ont demandé la publication de toutes les images en même temps qu'elles seront transmises au Congrès. «S'il y a plus de photos montrant les sévices... mon Dieu, parlons-en, parce que la vie d'hommes et de femmes est en jeu en raison de la manière dont on a géré ça (le scandale)», a dit le sénateur républicain Lindsey Graham sur NBC. «Il n'est pas question que d'humiliation... Les accusations évoquées dans ce rapport impliquent des viols et des meurtres», a dit M. Graham, en faisant allusion à un rapport rédigé par le général Taguba. «Il s'agit d'une défaillance du système, il s'agit d'infractions criminelles», a ajouté M. Graham. Pour sa part, le sénateur démocrate Carl Levin a réclamé que les photos soient «absolument» rendues publiques. «Il vaut mieux que (ces photos) soient vues pour ce qu'elles sont», a-t-il dit. «Tout effort pour dissimuler ce type de documents ne fonctionnera pas», a ajouté M. Levin.