Mémoire - Pour ce qu'ils évoquent dans la mémoire collective, il est de ces lieux et dates qui resteront gravés à jamais dans l'histoire. Aït Yahia Moussa est un de ces repères indélébiles de la mémoire pour avoir été, le 6 janvier 1959, le théâtre d'une âpre bataille livrée par l'Armée de libération nationale à la soldatesque coloniale. Ayant appris que cette localité de la zone IV de l'ex-wilaya III historique, qualifiée par les moudjahidine de citadelle imprenable, se préparait à abriter une importante réunion de coordination devant regrouper les colonels Amirouche (wilaya III), M'hamed Bougara (wilaya IV) et Si El-Houes (wilaya VI), l'ennemi a mis au point une opération de grande envergure pour capturer ces responsables et étêter la Révolution de ses dirigeants. Selon des témoignages de moudjahidine recueillis dans un document d'un séminaire national consacré par l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM) aux grandes batailles de la guerre de Libération nationale, ce jour-là, les forces coloniales ont mis en branle une machine de guerre infernale composée de plusieurs milliers de soldats armés jusqu'aux dents et appuyés par l'artillerie et l'aviation, contre un millier de moudjahidine faiblement armés, mais animés d'une foi inébranlable en la justesse de leur cause qu'est la libération de l'Algérie du joug colonial. Les rescapés de cette apocalypse s'en souviennent. Pour tenter de déloger les éléments de l'ALN positionnés sur les crêtes surplombant les villages d'Aït Yahia Moussa, l'ennemi utilisa l'artillerie à partir des camps de Tazrout, Timzrit et Cantina, avant que ne commencent les attaques au moyen d'avions de combat qui larguèrent des bombes et du napalm jusqu'à la tombée de la nuit. Des hélicoptères «Bananes» ont été utilisés pour le cheminement sur les crêtes des éléments de reconnaissance qui, après avoir repéré les maquisards, se repliaient pour laisser place aux bombardements par l'artillerie et l'aviation. Pour se dépêtrer de ce déluge de feu, les moudjahidine poursuivaient ces éclaireurs dans leurs retraits. Les combats firent rage, plus particulièrement à Ighil L'vir et Tizi Guezguarene. Leur avantage numérique et leur suréquipement ne suffisant pas à les sécuriser, les militaires coloniaux et leurs supplétifs légionnaires prenaient des anesthésiants pour surmonter leur peur. Après la mort du sinistre Graziani, capitaine des paras tué par un fidaï dans un corps à corps, les bombardements et les tirs à l'artillerie s'intensifièrent aveuglément, au point que l'ennemi prit pour cible ses propres éléments qu'il ne distinguait plus des moudjahidine. A la tombée de la nuit, des avions se relayaient en lâchant des fusées éclairantes qui illuminaient le champ de bataille. Pour sortir de cet étau, les maquisards étaient contraints de ramper sur de longues distances. La population civile n'a pas été épargnée par l'ennemi qui l'a utilisée comme bouclier humain et pour le transport de sa logistique. Furieuses après les pertes qu'elles ont essuyées sur le champ de bataille, estimées à plusieurs centaines de soldats tués, les forces coloniales déclenchèrent des massacres en série, et 26 civils ont été gazés dans une grotte du village de Hidoussa. Un des nombreux crimes de guerre commis en Algérie dont ne peut s'enorgueillir la soldatesque coloniale.