La région d'Aït Yahia Moussa (30 km environ au sud-ouest de Tizi Ouzou) a payé un lourd tribut. Le fichier communal est constitué au lendemain de l'indépendance de plus de 4 000 chahids, sans compter le nombre de moussabiline et autres auxiliaires. L'histoire retiendra que cette région a livré de grandes batailles à l'armée de Bigeard. Les souvenirs de ces batailles demeurent toujours gravés dans la mémoire de la population locale. Nous en évoquons l'une d'elles. Il y a de cela 48 ans, plus précisément le 6 janvier 1959, l'armée coloniale française avec tout son arsenal laissera, en plus de dizaines de morts et plus de 1000 blessés, son capitaine Graziani et un lieutenant nommé Chassin. À l'origine de cette rude bataille qui avait duré, selon certains témoignages, presque une semaine, une réunion qui devait avoir lieu à Oued Ksari entre les responsables de la wilaya III d'alors, dont le colonel Amirouche, et ceux de la wilaya IV. Malheureusement, les communications avaient été captées par les services spéciaux de l'armée française. “Nous étions chargés par les moudjahidine de la région de surveiller à partir des crêtes. Nous n'étions pas informés de ce qui allait se passer. Le 5 janvier, nous avions entendu de gros bruits qui arrivaient de partout”, narre Dda Amar, un rescapé de cette véritable géhenne. Questionné sur l'identité des conclavistes et de ce qui est advenu ensuite de leur sort, Dda Amar dira qu'ils avaient pu sortir grâce à Krim Rabah, le frère de Krim Belkacem, se rappelant que “c'était vers quatre heures du matin de la journée du 6 janvier que les combats avaient commencé. Ceux-ci avaient redoublé de férocité au fur et à mesure de l'avancement de la journée. À la mi-journée, au moment où l'armée coloniale sentit qu'elle avait perdu plusieurs de ses éléments, des renforts furent appelés à la rescousse. À la fin de la journée, des hélicoptères étaient dépêchés pour évacuer les blessés. Durant toute la nuit, les combats s'étaient poursuivis, parfois au corps à corps”. Affolée devant les grosses pertes, l'armée coloniale s'attaqua alors aux civils avec ses redoutables bombes incendiaires et le napalm. Selon des recoupements de témoignages, l'armée française avait engagé durant cette bataille 32 000 soldats épaulés dans le ciel par une trentaine d'avions de guerre. Les combats avaient eu lieu du côté de Vougarfène et Ighil Nali Ouramdane en allant jusqu'à Lâllalen. L'échec du colonialisme Du côté des moudjahidine, en réalité il n'y avait pas eu de nombreux morts. L'on avait enregistré au total 385 martyrs, dont la majorité étaient des civils. Dda Amar, en dépit de son âge avancé, se souvient “qu'un général s'est posé à Ighil Nali Ouramdane. Il avait dit à ses troupes que c'était un échec cuisant”, car en réalité ils n'avaient tué que quelques moudjahidine, mais les autres n'étaient que des enfants et des vieux. Pour se venger, les militaires avaient recouru à la politique de la terre brûlée. Selon notre interlocuteur, ces derniers avaient incendié tout sur leur passage avant de placer leurs camps là où il leur était facile de contrôler toute la zone jusqu'à M'kira. “Depuis cette date, la région fut placée sous couvre-feu et quadrillée sur tout son périmètre par l'armée coloniale afin de repérer tout mouvement de personnes entrant dans la zone”, se rappelle encore Da Amar, avec un certain pincement au cœur tant il n'a pas été reconnu comme tel, même si son visage garde à ce jour des traces de brûlures au napalm. Aujourd'hui, un monument est érigé à cet endroit. En novembre 2005, rappelle-t-on, un des anciens maquisards de la nahiya avait demandé de poser, pour la prise en charge de ce “carré des martyrs” une clôture. Quant à la région dans son ensemble, elle est restée en marge du développement, même si certaines commodités, telle l'alimentation en eau potable, commencent tout de même à faire de grands pas. O. GHILÈS