«Cours et rattrape-la !», cria la mère. L'enfant s'élança. La mère coupa le fil et la pelote roula plus vite, encore plus vite, entraînant Jedjiga vers le ravin. Puis brusquement, la pelote disparut. La fillette la chercha vainement dans les ronces et les buissons. Revenir en arrière ?. . . . Elle avait perdu son chemin. Alors elle marcha au hasard sur ses petites jambes. Elle marcha longtemps, elle marcha jusqu'à l'orée de la forêt. C'est alors qu'elle découvrit, à demi-masquée par une épaisse végétation, l'entrée d'une caverne. Elle se fraya un passage et y entra. La caverne était profonde. Lorsqu'elle eut fait quelques pas et qu'elle se fût habituée à la pénombre, l'enfant vit, enroulé sur lui-même comme un énorme bracelet, un serpent. Elle poussa un cri. Il dressa la tête, ouvrit les yeux comme des étoiles et la regarda. Il regarda la petite fille que Dieu seul avait pu créer. La course avait rendu son visage semblable à une rose ; les épines avaient égratigné ses pieds et ses mains. Ses vêtements étaient déchirés. Tant de beauté éblouit le serpent ; tant de grâce et de faiblesse l'émurent. Il remercia Dieu dans son cœur. L'enfant tremblait. Il lui dit : Ne crains rien, je ne te ferai aucun mal. Mais dis-moi, petite fille, ce qui t'a conduite jusqu'à moi. Elle était sur le point de pleurer, mais entendant le serpent lui parler dans un langage humain, elle se sentit rassurée. Elle lui dit Je tenais une pelote de laine elle était lourde. Elle est tombée de mes mains et elle a roulé, roulé. Je l'ai suivie... Je l'ai perdue de vue et j'ai continué à marcher jusqu'ici. Il prit de l'eau pour lui laver le visage, les mains et les pieds. Il la fit asseoir et lui servit à manger. Elle mangea de la galette de blé et but du lait. Dans un endroit bien abrité, il lui étendit une couche et l'y conduisit pour qu'elle se reposât. Il faut dire que ce serpent n'était pas un véritable serpent. D'abord; il avait commencé par être un homme heureux : il possédait une maison, une femme, de nombreux champs et toutes sortes de biens et de richesses. Mais une nuit, par mégarde, il marcha sur un serpent. Ce serpent le regarda, se dressa et lui soufflant son haleine au visage, lui dit : Tu m'as écrasé. Tu deviendras serpent comme moi et tu le resteras tant que je vivrai afin que les hommes te foulent aux pieds ! (A suivre...)