Voilà que depuis son investiture, le ministre de l'Education nationale s'attelle à «réformer la réforme» dans un secteur sujet à bien des controverses et d'interminables polémiques, ainsi que de précieuses contributions d'experts et de pédagogues, jusque-là restées lettre morte. Cependant le commun des citoyens, tous impliqués directement ou non dans le système éducatif, que ce soit en émargeant dans la grande famille des enseignants ou dans celle des parents d'élèves, vous répétera cette antienne ressassée à l'envi, ce constat qui fut fait il y a plus de deux décennies par feu Mohamed Boudiaf qui décréta l'école algérienne «sinistrée». Depuis, l'expression est devenue une sentence. Un constat qu'on se contente de faire en assumant l'impuissance à sauver l'école du naufrage. D'ailleurs, que faire quand on est un parent qui s'aperçoit pratiquement chaque soir que les cours et les leçons dispensés à son rejeton sont totalement inadaptés et semblent émaner d'une autre galaxie ? Que faire quand on est un enseignant consciencieux – il en existe en grand nombre en dépit du dénigrement qui met tout le monde dans le même sac – soucieux d'accomplir avec abnégation son métier et que l'on se retrouve confronté à des programmes en total décalage avec la réalité ? On fait avec, comme le dicte cette fatalité qui s'est emparée de tout un chacun, décrétant notre système éducatif tellement obsolète qu'il a généré une école parallèle où sont dispensés des cours privés. Cette dichotomie du système a scindé les élèves en deux, ceux dont les familles peuvent payer ces leçons particulières parfois très onéreuses et ceux qui n'ont d'autre choix que de suivre les cursus normaux. Il fallait bien que l'école soit contaminée par cette configuration nationale qui propose deux services, deux économies aux Algériens, la formelle et l'informelle. Nous nous inscrivons donc dans le même schéma du fonctionnaire qui arrondit ses fins de mois en faisant le taxi clandestin en fin de journée : l'enseignant, lui, dispense des cours «clandestins» les jours de repos. Il y a donc dans cette volonté de réformer la réforme de l'Education nationale, le constat d'échec de tout ce qui a été entrepris à ce jour par la précédente équipe ministérielle, quoique l'actuelle, par souci d'élégance ou par prudence, déclare qu'il y a des aspects positifs qu'il faut consolider. Lesquels ? On ne nous le dit pas. A moins de considérer ces chiffres surréalistes du taux de réussite aux examens comme un gage de bonne santé. Mais n'est-ce pas l'ancien ministre lui-même qui reconnaissait qu'il fallait songer à passer de la quantité à la qualité, faisant ainsi l'aveu d'un échec à peine assumé ? En effet, à quoi ont servi ces charretées entières de nouveaux bacheliers, sinon à servir de statistiques à un secteur qui brandit les chiffres comme preuve de réussite ? Réformer l'école, c'est l'adapter aux normes universelles du savoir et de la connaissance en l'inscrivant dans les processus fulgurants de nouvelles technologies. Ces nouvelles technologies, nous les avons adoptées mais dans le mauvais sens : l'internet qui devait servir d'outil de recherche et de support à une meilleure maîtrise des connaissances, est utilisé comme simple accessoire. L'élève, loin de faire une recherche intelligente pour ses exposés, procède au copier-coller du sujet, et l'enseignant, souvent subjugué par la présentation agrémentée de belles photos en couleurs, ferme les yeux et accorde même une bonne note. Oui, il faut réformer l'école. Mais profondément. Sans a priori ni préjugés idéologiques, mais avec des ratios pédagogiques, forcément pédagogiques. Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir beghtah.