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Histoires vraies
Tout ça pour un renard bleu (4e partie et fin)
Publié dans Info Soir le 18 - 05 - 2004

Résumé de la 3e partie Au matin, celui qui est le plus proche se hasarde à l?ouvrir. Il se retourne livide ; leur morceau de banquise est brisé juste devant la porte !
Et la dérive recommence. Le 21 octobre, le commandant braque son sextant, comme chaque jour, fait ses calculs et dit : «Nous nous rapprochons de la côte ! Nous remontons vers le nord-ouest !»
Le lendemain il annonce : «Nous sommes repartis vers le sud-ouest ! Nous longeons de nouveau la côte, à deux cents kilomètres environ?»
Le 30 octobre, il s?exclame : «Nous nous sommes rapprochés ! La terre est à trente kilomètres !» D?ailleurs, ils constatent que leur morceau de glace, poussé par le courant, en a rejoint d?autres, et que de nouveau, c?est la dérive des blocs poussés les uns contre les autres.
Mais ils savent qu?à partir de la position où ils se trouvent, c?est-à-dire, cette fois, sensiblement sur le cercle polaire, la côte du Groenland va s?éloigner davantage vers le sud-ouest. Il n?est pas sûr que le courant continuera à suivre la côte ! Jamais plus, peut-être, ils n?en seront si près ! S?ils s?écartent à partir de maintenant, ils vont continuer vers le sud, plus bas que le cercle polaire. Et même s?il ne se brise pas une fois de plus, leur morceau de glace va faire pire encore : il va fondre, jour après jour, et se rétrécir comme peau de chagrin. Tout, plutôt que d?attendre ça !
Les vingt-trois hommes se consultent et donnent raison au capitaine : il vaut mieux abandonner la cabane, tout de suite, et tenter de faire les trente kilomètres vers l?ouest. En passant de bloc en bloc, puisqu?ils ont tendance à se rapprocher. Et en priant pour ne pas glisser.
Ils partent ! Et pendant six jours, ils traversent des morceaux de banquise agités par la houle, sautent sur les morceaux voisins, et ainsi de suite. La nuit, ils se couchent les uns contre les autres et attendent le jour. Elle est loin, la cabane doublée de renard bleu ! Ils ont très froid. Cela dure une semaine? Vingt fois ils manquent de s?engloutir : un bloc vient cogner contre celui où ils marchent, ou s?écarte du voisin alors qu?ils sont en train de passer de l?un à l?autre? Et ainsi de suite. Enfin, ils se croient sauvés : ils arrivent sur un îlot rocheux ! Un sol qui ne bouge pas ! Ils sont trop épuisés pour se mettre à danser, mais ils éclatent tous de rire et se donnent des claques dans le dos ! Depuis le 21 août jusqu?au 5 novembre, cela fait deux mois et demi qu?ils n?avaient plus touché terre. Certes, ce n?est qu?un îlot? Mais la vraie côte n?est plus qu?à un kilomètre. Et cette fois, ce n?est plus que de la glace uniforme ! Ils ne s?attardent pas sur cet îlot plus de quelques minutes et repartent sur la glace. Du moins, le premier y pose le pied. Et il disparaît dans la mer. La croûte qui sépare l?îlot de la côte est uniforme, mais cette fois, elle est trop mince? L?homme qui a plongé est immédiatement repêché par ses camarades. Ils le réchauffent comme ils peuvent, le font très vite changer de vêtements. Mais les voilà coincés sur cet îlot ! Après avoir fait tout ça ! Plus rien pour s?abriter, presque plus de vivres? Ils ont leurs fusils, mais pour tuer quoi ? Ils trouvent des failles de rocher, essaient de s?y protéger du vent, car voici que de la côte, arrive un blizzard qui les transperce. Cette fois, ils se sentent finis. On ne verra jamais de photographie de l?îlot. Car le journaliste a les doigts tellement gelés qu?il ne peut plus tenir son appareil. Il est comme les autres. Il se voit mourir. Deux jours et deux nuits passent, épouvantables. La belle équipe des «renards bleus» n?est plus qu?un groupe de vingt-trois hommes recroquevillés çà et là, attendant la fin.
Soudain, l?un d?eux se redresse et tire un coup de feu. Tous les autres sursautent. Il crie : «Regardez là-bas ! Bon Dieu ! Faites comme moi ! Tirez !» Là-bas, sur la côte, à un kilomètre, ils voient glisser ce qui ne peut être qu?un traîneau à chiens, conduit par un homme. Ils tirent tous en l?air, vident leurs chargeurs ! Le traîneau s?arrête, se dirige vers eux. Et il arrive jusqu?à l?îlot, sur la glace fragile, parce que les pattes des chiens, c?est léger, que le poids du traîneau est réparti sur deux longs patins et que le poids de l?Esquimau est lui-même réparti sur le traîneau ! Les vingt-trois Danois expliquent leur situation à l?Esquimau par une pantomime. De toute façon, il n?y a pas besoin de lui faire un dessin. Il leur fait signe de ne pas bouger, qu?il va revenir. A la nuit, il n?est pas de retour. Les vingt-trois hommes se recroquevillent à nouveau pour une nuit glacée? Le lendemain, en fin de matinée, ils voient glisser vers eux une véritable nuée de traîneaux à chiens. Ce sont les Esquimaux d?Angmassalik, le seul clan vivant sur toute la côte occidentale. Il fallait leur tomber dessus. Ils sont sept cents ! Les Danois sont ramenés par les traîneaux. Ils passent un mois dans un village d?igloos. Puis, les Esquimaux les amènent à Angmassalik. Ils n?en repartent qu?au mois d?août de l?année suivante. C?est pourquoi le reportage du journaliste, avec ses fantastiques photos, ne paraît qu?à l?automne de 1924.


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