Résumé de la 2e partie Le 4 octobre, un ouragan fait dériver la goélette. Les 23 hommes à bord vident le bateau en prenant soin de laisser les fourrures en dernier. Et ça leur remonte le moral : après tout, se disent-ils, pour l?instant, nous sommes tous vivants ! Autant le confort, avant que la glace fonde et qu?on aille à l?eau ! Du coup, ils installent un poêle, une table au milieu de la pièce, des lampes à acétylène accrochées au plafond, des placards, des couchettes superposées, un cadre au-dessus de chaque couchette, bref, le confort moderne sur un morceau de banquise à la dérive ! Il n?y a que le sol qui bouge. C?est embêtant, mais on s?y fait. Une fois le travail fini, ils se font tous photographier, sourire aux lèvres, par le reporter prisonnier avec eux. On en voit treize sur la photo, dans la cabane, autour de la table, avec un sourire un peu figé parce qu?ils ont dû poser au moins cinq secondes, à la lumière d?une lampe de fortune. Ils ont des pipes courbes, de gros pulls, des barbes, des moustaches et des chopes de bière devant eux sur la table. Derrière eux, des couchettes séparées par des cloisons. La belle équipe à la dérive? On ne devinerait jamais que le plancher est sur la glace et que, dessous, c?est la houle de l?océan Arctique? Mais la photo suivante cause un frisson, car voici ce qui se produit le 12 octobre : en pleine nuit, leur morceau de banquise est tellement secoué par la houle qu?ils ne peuvent pas dormir et doivent s?accrocher aux couchettes. D?un seul coup, il y a un épouvantable craquement et ils tombent de leurs couchettes. Ils comprennent immédiatement : secoué par la houle, leur morceau de banquise vient de casser. C?est un miracle qu?une cassure ne se soit pas produite juste sous la cabane ! C?eût été la fin immédiate pour les vingt-trois hommes. Parce que personne ne tient plus de cinq minutes dans l?océan Arctique, même au mois d?août. Les vingt-trois Danois, cette fois-ci, perdent le moral. Ils se demandent ce qui reste de la surface de leur morceau de glace? Mais ils ne peuvent pas sortir de la cabane. Avec la houle qui les ballotte, ce serait glisser sur la glace à coup sûr ! Et la cassure n?est peut-être pas loin ! Ils passent ainsi la nuit sans dormir, craignant à chaque instant de sentir la glace s?ouvrir sous leurs pieds. Au matin, celui qui est le plus proche de la porte se hasarde à l?ouvrir, regarde au dehors et se retourne, livide : leur morceau de banquise est brisé juste devant la porte ! La mer est à un mètre ! On verra dans la presse, l?année suivante, la photo que le reporter Dahl a faite à ce moment. Les hommes sont sortis avec précaution. Le morceau de banquise tient presque tout entier dans le cliché. Il s?est cassé à quelques mètres de la cabane, par derrière. En revanche, devant, l?océan est sur le pas de la porte ! Ce qui est encore plus impressionnant, c?est que le cliché montre parfaitement l?épaisseur de la glace. Elle fait à peu près trente centimètres ! Mais il y a plus grave : les canots de sauvetage étaient sur l?autre morceau de banquise, celui qui s?est séparé de la cabane. Et ils sont allés à la dérive avec lui?La belle équipe des vingt-trois Danois, dans sa cabane en morceaux de goélette doublée de renard bleu, se dit que la situation devient nettement préoccupante. Le commandant a gardé son sextant. Ils savent que depuis un mois, ils ont maintenant dérivé de huit cents kilomètres environ vers le sud-ouest. Mais ils sont toujours au nord du cercle polaire, et les courants les ont même écartés de la côte du Groenland. Ils en sont, cette fois, à trois cents kilomètres au moins ! Il en faut toutefois davantage pour abattre la belle équipe des chasseurs de renard bleu. Ils démontent la cabane, entièrement, ce qui leur prend plusieurs jours, dans la houle, en tâchant de ne pas glisser dans la mer? Et ils la remontent au milieu du morceau de banquise, à égale distance des deux bords? (à suivre...)