Deuil - Depuis le rapt et l'assassinat de Chaïma, sa maman se lève la nuit pour pleurer dans la salle de bains. C'est par une petite route forestière fréquentée par les amateurs de pique-niques et de randonnées à la sortie de Zéralda que nous avons rejoint, hier, le domicile de la famille de la petite Chaïma, à Mahelma. Un père de famille de la région, que nous croisons à l'entrée du lotissement des 3 frères Belaïssi, nous montre le chemin. Il nous parle avec tristesse mais aussi avec colère. Les théories les plus diverses ont été avancées par la presse, dont aucune n'est confirmée. C'est malheureux pour les habitants de notre commune. Les enquêteurs se penchent sur toutes les pistes. Il est 14 heures quand nous arrivons au domicile de la famille Youcefi. Cette famille est venue directement de la wilaya d'El-Oued pour s'installer dans ce quartier jusque-là paisible. Au niveau de cette impasse, même l'air est triste, fade. Ce n'est pas facile pour nous d'aborder le père de la défunte fillette qui se tenait le visage entre ses mains. «Comment faire son deuil lorsque les criminels sont toujours en liberté», nous disent dès notre arrivée des membres de cette famille, dont plusieurs viennent de la wilaya d'El-Oued. Ils ne sont pas seuls, c'est toute la ville de Mahelma, qui, quatre jours après l'horrible tragédie, se regroupe quotidiennement devant le domicile mortuaire. Une construction pas encore achevé, si ce n'est uniquement un rez-de-chaussée semblable à ces constructions du Sahara. «Faire son deuil, cette expression, que l'on entend comme une invitation à passer à autre chose, est un processus complexe, difficile dans une telle situation», nous dit également Farouk, un psychologue et voisin de la famille Youcefi. «Depuis le rapt et l'assassinat de Chaïma, sa maman se lève la nuit, sinon ne dort même pas pour pleurer dans la salle de bains, le visage écrasé dans une serviette-éponge afin d'étouffer ses sanglots. Elle ne veut pas peser sur son mari, ni inquiéter ses enfants, qui, eux aussi, ont eu beaucoup de peine à la mort de l'innocente gamine», nous confie une voisine. Notre interlocutrice que nous avons sollicitée pour nous arranger un entretien avec la mère de Chaïma, nous répond qu'«elle a beaucoup pleuré. Elle est aussi physiquement très fatiguée, donc pas possible de lui parler». «Tout en se remettant à Dieu, elle a pris sur elle pour ne pas se laisser envahir par le chagrin et, surtout, pour masquer aux autres sa douleur. Le chagrin ne se soigne pas comme une grippe, faire son deuil en quatre jours, alors que le criminel court toujours ce n'est pas facile», nous dit-elle. «Chaïma était la lumière qui me guidait dans la vie» Le père – un vendeur de thé originaire du sud du pays – de la pauvre enfant, secoué, bouleversé et sous le choc, a pu à peine exprimer son chagrin. «Chaïma était comme la prunelle de mes yeux. Elle était la lumière qui me guidait dans ma vie. Elle m'aidait dans mon travail de vendeur de thé. Aujourd'hui, ma vie a perdu son sens. Je demande à nos autorités d'appliquer la justice et de retrouver les criminels afin de les punir de la manière la plus ferme. Ma fille a été enlevée devant la porte de notre maison. Lorsqu'on a frappé à la porte, la pauvre enfant était en train de regarder un dessin animé à la télévision. Elle ne se doutait nullement qu'en ouvrant cette maudite porte, c'est toute sa vie qui allait basculer dans un cauchemar», nous a-t-il confié les yeux en larmes. Son oncle, toujours sous le choc, qui avait, lui aussi, le regard perdu dans ce silence déchirant de ce triste après-midi et devant le va-et-vient incessant du voisinage pour formuler des petits mots de compassion et parfois des sanglots, nous parle de cette écolière de huit ans, bonne élève de deuxième année. Il nous parle de la solidarité qui se manifeste chaque jour davantage. «Depuis le drame, le village entier s'est parfaitement soudé derrière la famille. Ici, tout le monde connaissait Chaïma. Elle était droite, savait ce qu'elle voulait. Depuis des semaines, sinon des mois, elle entretenait le matériel de son père qui l'adorait.» C'est presque le même langage que nous tient un autre oncle de la malheureuse fillette.