Constat - De 1962, c'est-à-dire de l'indépendance à nos jours, ce sont cinquante années de pratique théâtrale, un parcours riche en expériences multiples, un itinéraire jalonné de noms, de dates et de productions. «Cinquante ans de théâtre, c'est énorme, c'est abondant», dira Makhlouf Boukrouh, universitaire et critique d'art dramatique, et d'ajouter : «Mais je crois qu'il est l'heure de faire le bilan, l'évaluation. Il me semble que l'histoire du théâtre algérien a prouvé qu'il a une expérience assez intéressante de l'indépendance à nos jours.» Makhlouf Boukrouh, qui estime que le Théâtre algérien est lié à l'histoire de l'Algérie, rappelle que ce dernier a connu des moments forts et des moments faibles. «C'est un théâtre lié à la conjoncture», souligne-t-il. Et d'abonder : «Les années 1960 sont considérées comme la période la plus intéressante, sur le plan quantité et sur le plan qualité. Même dans le années 1970, le théâtre a connu son âge d'or. La régression commence vers la fin des années 1980. La régression s'est concrétisée dans les années 1990. Il y a eu, dans les années 2000, des tentatives de faire quelque chose de mieux, de revoir la pratique et l'expérience théâtrale - cela se poursuit même jusqu'à maintenant - mais ça n'a rien donné.» Toutefois, Makhlouf Boukrouh, qui rappelle que l'expérience algérienne, notamment celle des années 1960 et 1970, par rapport au Maghreb, l'Algérie occupait le devant de la scène et même à l'échelle du monde arabe, on ne peut nier tout ce qui a été fait. «Il y a eu des choses extraordinaires qui ont été faites», reconnaît-il. Interrogé sur la raison qui explique cette régression, Makhlouf Boukrouh répondra : «Elle est liée parfois à l'environnement qui n'est pas propice au développement de la pratique théâtrale.»Travailler dans le domaine de la culture s'avère un défi à relever et tient, souvent, de l'impossible tant les difficultés existent et les obstacles sont nombreux. «Il y a aussi des problèmes qui sont liés à la pratique théâtrale : l'art théâtral est un art difficile, complexe, il demande des efforts, une formation, de l'expérience, de la rigueur...», ajoute-t-il. Ce qui désole Makhlouf Boukrouh, c'est que «sur le plan moyen, l'effort de l'Etat est considérable dans le domaine théâtral - et même culturel. Il faut bien le reconnaître, ces dernières années il y a eu beaucoup d'argent. Mais malheureusement cet effort en matière d'aide financière n'est pas palpable. Il n'a pas porté ses fruits. Il n'y a pas eu des résultats conséquents. On ne voit rien de concret sur le plan qualité - on est dans la quantité plutôt que dans la qualité. On aime la quantité. C'est un état d'esprit algérien hélas. Il n'y a pas eu une révolution théâtrale. Car l'effort n'est absolument pas canalisé.» - Makhlouf Boukrouh soutient qu'autrefois, sous le parti unique, le théâtre donnait un meilleur résultat, «mais avec le multipartisme, c'est le contraire qui s'est produit», dit-il, et de préconiser : «Il faut faire une analyse sociologique. Chercher à comprendre ce qui se passe dans le pays. Il n'y a pas une régression uniquement dans l'art, mais partout on constate un recul. On a les moyens, on a tout, mais lorsqu'on voit les résultats, il n'y a rien.» Pour y remédier, Makhlouf Boukrouh estime la nécessité de dresser un bilan de l'activité théâtrale durant ces cinquante années passées. «Il me semble qu'il est temps de faire un bilan, de voir quels sont les points faibles et trouver des solutions aux problèmes. Travailler de manière à planifier la chose culturelle et de revoir la pratique théâtrale, la gestion du théâtre», soutient-il.