Débat - Le 8 janvier 1963, l'on assiste à la fondation du Théâtre national algérien – nationalisation de l'Opéra d'Alger – rebaptisé Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi. Cinquante ans plus tard et après un demi-siècle de créations multiples et d'intense production, que peut-on dire de l'activité de l'art des planches. Les professionnels du théâtre estiment qu'il est temps de faire un bilan, de tourner certes la page, mais pas la déchirer, et d'envisager, sur de nouvelles bases, une stratégie, nouvelle et effective, pour favoriser une redynamisation de l'activité théâtrale. Ces mêmes professionnels – dramaturges, critiques, universitaires, journalistes... ou simplement des passionnés de l'art des planches – regrettent, en revanche, que le Théâtre algérien n'ait pratiquement pas de mémoire. «On manque cruellement de documentation pour vérifier les faits et la vérité historique du théâtre algérien», déplorent-ils, et d'espérer «qu'il y aura un sursaut de conscience quant à la nécessité d'archiver le théâtre algérien et, du coup, cultiver sa mémoire». Cette mémoire est cultivée à travers la collecte et création d'un fonds archivistique ; celui-ci est constitué, outre d'éléments écrits, de matières photographiées, filmées ou enregistrées. La préservation de ces archives se révèle une nécessité, car elle permet de tracer la mémoire du théâtre algérien, d'élaborer son histoire. Ali Hafied est un photographe de presse. Toute sa carrière et ce, depuis 1963, il l'a passée à photographier les pièces théâtrales (algériennes), immortalisant ainsi sur le cliché des moments forts et rares du théâtre algérien. «J'ai commencé très jeune à m'intéresser à l'art des planches et notamment au théâtre algérien», a-t-il dit, hier, au théâtre national, lors d'une rencontre qui avait pour thème : «Théâtre à travers l'image». «J'ai découvert les planches et j'ai été ébloui», se rappelle-t-il, et d'abonder : «Cela m'a permis de découvrir des noms de la scène, des comédiens et comédiennes, considérés aujourd'hui comme les monstres du théâtre algérien. J'ai capturé, mémorisé chacun de leur moment sur les planches.» Ces photographies, étaient prises sur le vif, captant dans l'instantané des gestes, des regards, des mouvements, des expressions sur le visage, le tout chargé d'émotions, ont fait l'objet d'un livre intitulé Regard et sorti en 2003. «Ces photographies font partie de l'histoire du théâtre algérien, elles nous renseignent sur un pan de notre mémoire», a souligné Ali Hafied pour qui «il est nécessaire de léguer une photo-mémoire aux générations futures, parce que c'est un geste qui permet à ces dernières de poursuivre l'œuvre, celle d'entretenir la mémoire du théâtre algérien». En d'autres termes, la photographie constitue alors un fonds mémoriel, une référence incontournable pour écrire l'histoire du théâtre algérien. - De son côté, Ali Moussaoui, réalisateur à la télévision algérienne (station régionale de Constantine), spécialisé dans le théâtre (il avait une émission ayant pour titre ‘Fadaat El Masrah' (espaces théâtraux) de 1984 à 2005), estime que filmer le théâtre est important. «L'image est le 4e pouvoir, qui pourrait servir ou desservir», a-t-il estimé, et de renchérir : «L'image, quand elle est bien mise en relief, devient un outil au service de la promotion du théâtre.»Ali Moussaoui a commencé à filmer le théâtre algérien, à collecter des témoignages de ces acteurs à partir de 1984, dans le cadre de son émission de télévision. L'intérêt de filmer le théâtre s'explique par ce souci de préserver sa mémoire afin de permettre, plus tard, aux chercheurs, d'écrire leur histoire. «Pour aller de l'avant de mon objectif, je me suis mis en quête d'archives filmées réalisées par ceux qui m'ont précédé», a-t-il dit, avant de poursuivre : «J'ai sillonné plusieurs wilayas d'Algérie pendant plus de six mois pour aller recueillir les témoignages de grandes figures du théâtre algérien. Il était important de sortir des studios d'enregistrement et d'aller vers les scènes de théâtre et les ateliers de formation où qu'ils soient.» Par ailleurs, Ali Moussaoui déplore que de nombreux documentaires télévisuels et des archives sur le théâtre traînent dans des boîtes de bobines rouillées et abandonnées au Centre national des archives à Birkhadem. «Ces archives sont de véritables pépites d'information pour les chercheurs et les spécialistes du 4e art», a-t-il soutenu. D'où d'ailleurs la nécessité, si ce n'est l'urgence, de constituer un véritable fonds archivistique.