«Regard sur le théâtre algérien» est l'intitulé de son expo-photo, mais aussi de son fabuleux ouvrage d'art...» Instants volés au temps, fugaces, immortalisés en une fraction de seconde. Scènes de théâtre capturées sous l'objectif du maître, le photographe, la liberté de décliner et d'agencer les images, leur donner une touche artistique, une vision esthétique de la chose. Tel est le propos de Ali Hefied, un chasseur de la beauté expressive qui traîne derrière lui, près de 40 ans de métier dans cet univers du clair-obscur. Après la photo de presse, c'est la photo d'art qui lui collera désormais à la peau. Pour avoir côtoyé beaucoup d'artistes, peintres et hommes de théâtre, ce dernier deviendra un point de chute sur lequel il va se pencher sérieusement. Son regard d'artiste n'en finira pas de produire des images teintées de nostalgie et d'une profondeur particulière. Des comédiens et comédiennes de ces pièces d'anthologie, il en saisira des moments exceptionnels tout en mouvement et chargés d'émotion. «Regard sur le théâtre algérien» est le titre de son exposition qui se tient actuellement au palais du Dey. Organisée par la boîte Top Action et le centre culturel français d'Alger, cette manifestation a le mérite de retracer l'itinéraire de notre 4e art «de 62 à la fin de 2002 avec la dernière pièce de théâtre immortalisée Les mimosas d'Algérie avec Sonia et Fatouma Ousliha. Mais cette exposition raconte aussi l'itinéraire atypique d'un photographe qui a accompagné la plupart de nos plus grands dramaturges, comédiens et metteurs en scène en pleine effervescence des planches. Cohabiter avec ces êtres pendant des années, cela implique les connaître mieux que d'autres. Exercice périlleux que de les montrer au summum de leur art. Au faîte de leur vérité artistique. Du TRO au TNA en passant par le TRC, toutes les étapes par lesquelles est passé le théâtre algérien sont brassées, marquées à tout jamais. Le théâtre depuis sa décentralisation à nos jours. Depuis, ce sont toutes les expressions qu'on peut lire sur le visage qui nous sont donné à voir et à contempler. Des représentations qui font office de miroir où se reflètent nos drames collectifs. Ali Hefied jette un regard attendri et fasciné sur ses personnages. Des êtres merveilleux et fragiles qui ont bercé et continuent de bercer notre mémoire. C'est pour eux que le photographe dédie cette exposition et rend hommage. C'est entre autres à Abdelkader Alloula ami de longue date, compagnon de route dans cette fabuleuse aventure de la photographie. «Alloula qui a vécu et qui est mort du théâtre», nous est restitué dans sa grandeur et sa force pour dire l'immortalité. Altière Dalila Hlilou dans Djamila ou encore Sonia dans Fatma ou Hadria ou El Houass. La femme est mise en avant, glorieuse. L'expo de Ali Hefied est aussi le regard qui en dit long d'un Medjoubi dans Hafila Tassir. La colère, le rire ou la dérision chez un Sid Ali Kouiret, Fellag ou encore la fragilité d'un Rouiched. Mais c'est aussi la doyenne du théâtre Keltoum, Sirat, Sid Ahmed Agoumi et Himour, Hamid Remas et Benguettaf... dans leurs anciennes comme leurs plus récentes représentations théâtrales. Ali Hefied fait revivre ces personnages. On les voit prêts à s'exclamer, à éclater de rire, à crier ou à pleurer. L'on est suspendus à leurs regards, leurs lèvres jamais tues. Prêts à ressentir les battements de leur coeur. Regard sur le théâtre algérien, c'est d'abord, nous confie l'artiste, un ouvrage d'art édité par Casbah-éditions dans le cadre de l'Année de l'Algérie en France. «C'est un hommage que je rends aux comédiens algériens qui méritent beaucoup plus d'encouragements», dit Hafied. Sa prochaine exposition, nous révèle-t-il, portera sur un sujet épineux celui des pieds-noirs. Dans cette charmante galerie d'art fraîchement installée dans cette mémorable bâtisse qu'est le palais du Dey et entretenue par Leila Ousalah, directrice de Top-Action, ce sont environ une cinquantaine de photos qui méritent le déplacement. Confidence d'une employée à Top-Action: «Nous recherchons des sponsors pour retaper le palais». Le message est lancé.